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Nos servi tui, ce sont les prêtres spécialement consacrés au service de Dieu; plebs tua sancta, ce sont tous les fidèles en union avec le sacerdoce, qui sont devenus par le baptême un peuple saint et la propriété du Seigneur. Le pluriel, nos servi tui, est un souvenir de la liturgie primitive, ou l'évêque célébrait le saint sacrifice avec les prêtres; il continue de s'appliquer aux acolytes qui assistent le prêtre à l'autel. L'opposition entre les prêtres et les fidèles est bien marquée. Les uns et les autres ont leur place, leur rôle dans l'auguste action. Il y a distinction, mais coopération. Clercs et laïques prennent part simultanément à l'oblation du corps et du sang de Jésus-Christ, comme ils avaient pris part à l'oblation du pain et du vin destinés au sacrifice. Saint Pierre Damien exprime en ces termes cette communauté d'action : « nos servitui, videlicet sacerdotes; sed et plebs tua sancta, scilicet populus christianus: nam populus agit voto, sacerdotes peragunt ministerio. » — « Nos servi tui, à savoir: les prêtres; sed et plebs tua sancta, c'est-à-dire le peuple chrétien : car le peuple agit par le vœu qu'il émet, les prêtres opèrent par leur ministère 1. »

Le sacrificateur se confond avec l'assemblée des fidèles. Avec les assistants il offre les dons eucharistiques, après comme avant la consécration. Et ici, cette association du peuple au prêtre a un caractère plus positivement sacerdotal, et comme sacramentel. C'est le prêtre seul qui a consacré le corps et le sang de Jésus-Christ; c'est lui seul qui parle; mais c'est avec le peuple qu'il offre la victime eucharistique; c'est avec lui qu'il prie: Offerimus preclaræ majestati tuæ de tuis donis ac datis hostiam puram, hostiam sanctam, hostiam immaculatam, panem sanctum vitæ æternæ et calicem salutis perpetuæ. « Nous offrons à votre auguste Majesté de vos dons et de vos présents, l'Hostie pure, l'Hostie sainte, l'Hostie immaculée, le Pain sacré de la vie éternelle et le calice du salut perpétuel. »

Le prêtre ne se sépare plus du peuple. C'est avec lui qu'il renouvelle l'oblation de la divine victime présente sur l'autel sous les espèces sacramentelles. Supplices te rogamus, jube hæc perferri.... ut quotquot ex hac altaris participatione sacrosanctum corpus el sanguinem sumpserimus, omni benedictione cælesti et gratia repleamur.

C'est avec lui qu'il adresse à Dieu la prière pour les morts, qui dès les temps apostoliques faisait partie de la liturgie eucharistique. Memento, Domino famulurum famularm tuarum qui nos præcesserunt. C'est avec le peuple et en son nom, que, par un retour de la pensée de l'autre vie à la vie présente, après avoir prié pour les défunts, il prie pour les vivants, qui seront bientôt appelés à les rejoindre Nobis quoque peccatoribus famulis tuis, de multitudine miserationum tuarum sperantibus... intra quorum nos consortium.. quæsumus, lagitor admitte.

1 Exposit. Can. Missæ. no 9.

C'est avec lui qu'il récite ou qu'il chante, après l'y avoir invité formellement, Oremus, la prière par excellence, la prière dominicale, qui, de tout temps, a fait partie de la messe et forme la transition entre le sacrifice proprement dit et la communion.

Il y a même cela de remarquable ici que, dans plusieurs antiques liturgies, dans celle de saint Jacques, dans la liturgie dite de saint Pierre, c'est le peuple qui chante le Pater.

Dans la troisième partie de la messe, l'union du célébrant et du peuple se consomme par la participation au sacrifice qui vient de s'accomplir. La communion est la conclusion du sacrifice eucharistique. Après avoir contribué à l'oblation de la divine hostie, il reste aux fidèles à participer avec le prêtre à la consommation de la sainte victime par la communion sacramentelle ou spiritelle.

Et c'est à quoi le sacrificateur les invite par la prière de la commixtion du corps et du sang de l'Agneau immolé, prière qui est à la fois un souhait et un appel :

Hæc commixtio et consecratio corporis et sanguinis Domini nostri Jesu Christi fiat accipientibus nobis in vitam æternam. Amen.

«Que ce mélange et cette consécration du corps et du sang de NotreSeigneur Jésus-Christ que nous allons prendre nous profitent pour la vie éternelle. Ainsi-soit-il. »

Depuis le Pater, jusqu'aux oraisons préparatoires à la communion, le célébrant continue de prier collectivement avec l'assistance; mais dans ces oraisons il prie en son nom seul et pour lui. La communion, en effet, n'est plus, comme l'oblation, un acte collectif, c'est un acte individuel. Le prêtre s'y prépare en priant de son côté et le peuple du sien. L'association se rétablit lorsque, après avoir pris le corps et le sang du Seigneur, le célébrant dit en présentant le calice pour que l'on y verse le vin de la purification :

Quod ore sumpsimus, Domine, pura mente capiamus ; et de munere temporali fiat nobis remedium sempiternum.

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Faites, Seigneur, que nous conservions dans un cœur pur ce que notre bouche a reçu et que ce don fait pour le temps devienne un remède pour l'éternité. »

Les prières de la postcommunion se font en commun; « elles sont toujours conçues au pluriel et dites pour tous et au nom de tous ceux qui sont présents à la messe. Cela suppose, dit le Dr Gihr, que tous les assistants ont pris part au banquet eucharistique, ou par la communion sacramentelle, selon l'usage de la primitive Église, de laquelle nous vient le plus grand nombre de ces oraisons, ou du moins par la communion spirituelle, que les assistants ne devraient jamais omettre 1. ))

10. C. p. 435.

L'Église anglicane n'est pas officiellement tombée dans l'erreur de ces hérétiques des premiers siècles, et des calvinistes leurs disciples, qui prétendaient investir les simples fidèles, comme de véritables prêtres, du pouvoir de consacrer. Il se peut que certains de ses docteurs, trop imbus de laïcisme, aient excédé dans l'expression et plus ou moins renouvelé l'erreur de Luther. Mais n'avons-nous pas eu de nos théologiens catholiques, et des plus connus, comme Gerson, qui ont attribué à tout fidèle et même à la dernière bonne femme le droit de convoquer le concile, à défaut des autorités légitimes? Ces opinions singulières doivent être imputées, d'un côté comme de l'autre, à leurs seuls auteurs. Il est certain que l'on ne saurait reprocher aux chefs et aux docteurs de l'Église anglicane, à Cranmer et aux autres, d'avoir dit, dans le sens qui vient d'être exposé, que le saint sacrifice de la messe est offert par le peuple aussi bien que par le prêtre.

Peut-être même les catholiques de nos jours auront-ils à s'inspirer davantage de la doctrine commune à l'Église anglicane et à l'Église romaine sur la coopération des fidèles au mystère eucharistique.

Des coutumes se sont introduites, en ce siècle, qui ne concordent pas bien avec l'assistance effective au saint sacrifice. Il est difficile que les dévotions étrangères à l'objet de la messe, telles que lectures, méditations, prières privées, par lesquelles trop de fidèles croient pouvoir satisfaire leur piété, leur permettent de s'unir effectivement et d'une manière continue à l'auguste action qui s'accomplit sur l'autel. Il ne semble pas non plus que la récitation publique du chapelet pendant la messe, soit, au moins en général, le meilleur moyen d'associer le peuple à la fonction du célébrant et de le faire. participer à l'auguste mystère. Les cantiques en langue vulgaire placés mal à propos, sans discernement des diverses parties de la messe outre qu'ils n'ont pas le caractère liturgique, ont aussi l'inconvénient de distraire l'attention et d'isoler les fidèles du prêtre. A plus forte raison, l'usage qui tend à s'établir çà et là d'occuper une partie de la messe par une prédication publique se concilierait-il difficilement avec l'assistance réelle à la messe.

Toutes ces pratiques, si pieuses qu'elles puissent être en ellesmêmes, conviennent-elles bien au caractère du saint sacrifice de l'autel; ne sont elles pas plus ou moins incompatibles avec le rôle personnel, actif, que les assistants ont à remplir dans l'accomplissement des mystères eucharistiques?

Les fidèles qui assistent au saint sacrifice y sont en fonction liturgique. Cet office sacré les oblige à concourir effectivement à l'oblation du sacrifice, non seulement d'intention et d'une manière générale, par leur présence à la messe ou par de pieuses occupations

étrangères à la confection de la sainte Eucharistie, mais en s'associant aux prières et aux actions du célébrant, en suivant ce qui se fait sur l'autel, en coopérant réellement à la fonction sacerdotale.

Ce n'est qu'ainsi que se trouvent pleinement réalisées les conditions du saint sacrifice de la messe si bien formulées par Mgr l'évêque de Luçon à l'usage de son peuple :

1

« Vous offrez avec le prêtre, N. T. C. F., un seul et même sacrifice, et vous êtes « un sacerdoce royal.» Écoutez, en effet, le prêtre qui vous dit : « Priez, mes frères, pour que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit agréable à Dieu, le Père tout puissant. » — « Souvenezvous, Seigneur, dit-il encore au Canon de la messe, de vos serviteurs pour qui nous vous offrons... et il ajoute ou qui vous offrent ce sacrifice. » Les fidèles sont donc unis au prêtre ; celui-ci est identifié avec Jésus-Christ; tous ensemble, d'un même cœur et d'une même voix, offrent l'Hostie immolée et néanmoins vivante, qui se présente à la justice divine à l'état de victime, et à l'amour divin avec toutes les beautés de la vie, avec toutes les gloires du triomphe. »>

2

1 Pet., II, 9.

2 Instruct. pastor. et mandement pour le carême de 1896.

ARTHUR LOTH.

PRIMAUTÉ, SCHISME ET JURIDICTION

(Suite).

S'il est un souhait que Notre-Seigneur ait clairement exprimé dans l'Évangile, c'est que son Église fût une, fût unie: « Sint unum! >> Et saint Paul à son tour nous donne la célèbre formule : « Unus Christus, una fides, unum baptisma. » Sans doute Notre-Seigneur veut parler de l'union par la charité, par l'amour fraternel, dont il a fait son commandement nouveau, son dernier legs à ses disciples; mais il a visé également l'unité sociale, sans laquelle l'Église ne saurait être une société parfaite. On ne peut supposer que le divin Maître ait voulu établir sur la terre plusieurs sociétés spirituelles; que s'il n'en doit exister qu'une seule: « Edificabo Ecclesiam meam », il faut que cette unique société possède les moyens nécessaires pour assurer et maintenir son unité unité dans son enseignement, puisque sa première mission consiste à faire connaître la vérité religieuse; unité dans le but à atteindre, à savoir le salut des hommes; unité dans les moyens de sanctification pour atteindre ce but; unité enfin dans le gouvernement, au sens le plus large de ce mot, sans quoi il serait impossible de concevoir l'Église comme une véritable et parfaite société.

L'unité d'un corps purement collégial est difficile à maintenir, si tant est qu'elle soit possible dans une société nombreuse. C'est pourquoi Notre-Seigneur n'a pas donné à son Église cette forme de gouvernement; il y a introduit en même temps l'élément monarchique. Sans diminuer les droits du collège apostolique et épiscopal, il a placé l'un des apôtres à la tête des autres et de tous les disciples, en lui conférant la mission et le pouvoir de gouverner les brebis aussi bien que les agneaux. Ce pouvoir monarchique tempéré, conféré à Pierre et à ses successeurs, quelque variable qu'en puisse être l'exercice, devait assurer l'unité sociale de l'Église, en y maintenant l'unité de foi, de discipline, de direction, d'autorité. C'est d'ailleurs le rôle de tout pouvoir central.

Ceux donc qui se séparent de la société ecclésiastique, qui rejettent l'autorité légitime, qui constituent une société séparée, vont

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