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actuels commis avant la consommation du sacrifice sanglant. Quant aux péchés actuels commis depuis la mort de Jésus-Christ sur la croix, c'est par le Sacrifice de la Messe que Notre-Seigneur offre une satisfaction et une expiation suffisantes. En un mot, que ces deux sacrifices ont deux buts différents : celui de la Croix, l'expiation du péché originel et des péchés actuels commis sous l'ancienne loi, et celui de l'autel, l'expiation des péchés actuels commis sous la loi nouvelle.

Cette hérésie, nous assure M. Puller, n'était pas seulement la thèse de quelques théologiens extravagants et peu connus, elle était très répandue; c'était même la doctrine populaire, surtout en Angleterre et en Allemagne. Comme preuve, M. Puller cite des sermons de certains réformateurs anglais, mais surtout et avant tout, la déclaration de « la Confession d'Augsbourg », qui en effet attribue cette doctrine aux catholiques. Bossuet, dans son œuvre immortelle, l'Histoire des Variations, liv. III, art. 53, avoue qu'à la Diète d'Augsbourg cette accusation fut portée, et il faut avouer que si elle avait été soufferte par les catholiques présents à cette importante réunion, ce serait une présomption très grave de l'existence de la doctrine en question, du moins comme opinion tolérée dans les écoles catholiques. Mais que nous dit le grand Bossuet? L'accusation fut-elle admise? Tout au contraire. Voici les paroles mêmes de l'illustre évêque :

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« On avait même inventé, dans la Confession d'Augsbourg, cette admirable doctrine des catholiques, à qui on faisait dire : « Que «Jésus-Christ avait satisfait dans sa passion pour le péché originel, et <«< qu'il avait institué la messe pour les péchés mortels et véniels que « l'on commet tous les jours. » Comme si Jésus-Christ n'avait pas également satisfait pour tous les péchés; et on ajoutait comme un nécessaire éclaircissement : « Que Jésus-Christ s'était offert à la croix, non seulement pour le péché originel, mais encore pour tous les autres; » vérité dont personne n'avait jamais douté. Je ne m'étonne donc pas que les catholiques, au rapport même des luthériens, quand ils entendirent ce reproche, se soient comme récriés tout d'une voix : « Que jamais on n'avait ouï telle chose parmi eux » (les italiques sont de Bossuet). Mais il fallait faire croire au peuple que ces malheureux papistes ignoraient jusqu'aux éléments du Christianisme. »

Or, n'est-il pas évident qu'un pareil démenti, fait d'une manière aussi publique, et dans des termes aussi énergiques, renverse la thèse de M. Puller? Ne prouve-t-il pas que cette hérésie n'était ni populaire ni très répandue à l'époque de la Réforme? Mais j'ose dire qu'il prouve davantage. Il est sans doute parfois difficile de prouver ce que les logiciens appellent une universelle négative; cependant je me trouve disposé à reprendre pour mon compte le 1 BOSSUET, Variations, liv. III, art. 53.

défi de nos ancêtres catholiques de 1530, et de soutenir, jusqu'à preuve du contraire, qu'aucun théologien catholique n'a jamais soutenu que Notre-Seigneur Jésus-Christ par le sacrifice sanglant du mont Calvaire n'a pas satisfait pleinement et entièrement pour tous les péchés des hommes, jusqu'à la fin du monde. Une telle doctrine serait trop opposée à ce que Bossuet appelle si bien «< les éléments du christianisme ». J'explique donc l'existence de cette accusation de deux façons : elle fut, ou bien une simple calomnie, et M. Puller sera, je pense, le premier à reconnaître qu'à cette époque néfaste les soi-disant réformateurs ne reculaient pas devant la calomnie; ou bien ce fut un simple malentendu, semblable à celui que l'éminent dominicain va expliquer dans l'article suivant Un malentendu, c'est-à-dire une interprétation erronée d'une phrase parfaitement orthodoxe.

Lubbeek-les-Louvain (Belgique).

AUSTIN RICHARDSON.

Prêtre.

EXPOSÉ D'UN TEXTE

ATTRIBUÉ AU B. ALBERT LE GRAND

Cité dans un article de cette Revue

SUR LES ORDINATIONS

ANGLICANES

Dans un article de cette revue sur « les ordinations anglicanes et le sacrifice de la messe », M. F.-W. Puller a prétendu prouver par différents témoignages l'existence de certaines erreurs sur le sacrifice de l'autel qui avaient cours au temps de la Réforme. Parmi ces témoignages, il a allégué le suivant, tiré du premier des trente-deux sermons sur l'Eucharistie attribués au B. Albert le Grand : « Secunda causa institutionis hujus sacramenti est sacrificium altaris, contra quamdam quotidianam delictorum nostrorum rapinam. Ut, sicut corpus Domini semel oblatum est in cruce pro debito originali, sic offeratur jugiter pro nostris quotidianis delictis in altari, et habeat in hoc Ecclesia munus ad placandum sibi Deum super omnia legis sacramenta vel sacrificia pretiosum et acceptum. »

Ce passage contient-il « une erreur théologique, savoir que JésusChrist s'est offert sur la croix pour le péché originel et qu'il s'offre à la messe pour les péchés actuels »? Je ne le pense pas.

D'abord que faut-il entendre par ces mots : « contra quamdam quotidianam delictorum nostrorum rapinam »? Et par ceux-ci : « Corpus Domini offertur jugiter pro nostris quotidianis delictis in altari »? Albert le Grand nous l'explique en plusieurs endroits de ses sermons. Dans le quatrième où il développe le second motif de l'institution du sacri fice de l'autel, il dit : « Excellit sacrificium nostrum cætera ratione virtutis, id est per effectum sua bonitatis. Habet enim triplicem bonum actum in triplici statu fidelium, scilicet: 1° in hoc mundo, 2o in purgatorio, 3° in cœlo. In primo statu peccata quotidiana relaxat... Ser. V, XVII et XVIII: « Anima si peccaverit per ignorantiam, offeret arietem immaculatum » id est Christum... Gregorius : « Dominus dedit nobis sacramentum salutis, ut, quia quotidie peccamus, et ille jam

1 Revue anglo-romaine, février 1896, p. 395.

pro nobis mori non potest, per hoc sacramentum remissionem consequamur». Il s'agit ici des péchés véniels.

L'auteur dit dans le vingt et unième sermon : « Mala nostra sive languores sunt quasi vincula culpæ, quibus multæ stringuntur animæ, scilicet, 4° dæmonis tentatio, 2° fomitis repugnatio, 3° cordis macula, 4° Creatoris offensa... Contra hæc mala quatuor, ordinantur quatuor Dominici corporis fructus, qui nos liberavit a vinculis culpa, 1° dæmonem fugat, 2° fomitem refrigerat, 3° maculam cordis mundat, 4° iram Dei placat. » Il explique ainsi le troisième fruit : « De tertio fructu, Isai. vt, 6 et 7 : « Volavit ad me unus de Seraphim, et in manu ejus calculus, quem forcipe tulerat de altari. Et tetigit os meum, ut dixit Ecce tetigi hoc labia tua, et peccatum tuum mundabitur ». Lapis iste pretiosus sumptus de altari, significat corpus Christi : dum eo os cordis tangitur, peccatum veniale mundatur ». L'auteur prouve son assertion par le texte de saint Grégoire déjà cité : « Dominus dedit nobis sacramentum salutis, ut quia quotidie peccamus, et ille jam mori pro peccato non potest, per hoc remissionem consequamur. » On lit dans le dix-neuvième sermon : « Circa spiritualem manducationem notandus est effectus hujus manducationis, scilicet peccatorum remissio... « Panem nostrum quotidianum, id est, cibum spiritualem, da nobis hodie; et dimitte nobis debita nostra ». Math. VI. Ambrosius: Qui manducant spiritualiter, virtutem carnis et sanguinis Christi dicuntur sumere, et vere manducare: quia ipsam corporis Christi efficientiam quotidie sumunt », id est, remissionem peccatorum », c'est-à-dire des péchés véniels, car d'après l'auteur, « manducare spiritualiter» ne convient qu'à ceux qui sont exempts de péché mortel : « Modus manducandi spiritualis est quo boni manducant ». Augustinus « Panem de altari spiritualiter manducare, est innocentiam ad altare portare1. »

Dans le trente-deuxième sermon, l'auteur dit : « Potus sanguinis Christi sacramentalis digne sumptus peccata quotidiana relaxat, et hoc triplici ratione: quia tria mala sunt in peccato veniali, scilicet 1° quædam macula conscientiæ, 2° quædam pœna tristitiæ, 3° et quædam adversitas divinæ offense. Contra hæc tria proprie valet potus sanguinis Christi, qui est purus, lenis, pretiosus. »

Il est évident par ces citations que l'auteur des sermons sur l'Eu

1 Pour la rémission des péchés mortels l'auteur renvoie au sacrement de pénitence: «Sacerdotes qui accedunt ad Dominum, sanctificentur, ne percutiat eos. Similiter et alii... qui ad suscipiendum Dominum nostrum mundus vult fieri, primo debet per aquam lacrymarum lavari, secundo per opera pœnitentiæ torqueri... Nobis accessuris ad corpus Domini, prælibanda est devotionis oratio : ut, quod forte minus parati sumus per jejunium et confessionem, suppleat spiritualium aromatum, id est, oblationum oratio... Peccator qui dignus erit corpus Domini sumere, debet semper tria præparare: 1° scilicet per cordis contritionem, per oris confessionem, 30 per proximi dilectionem... Per confessionem mundatur anima a vili peccato ». (Sermo 15).

charistie par ces mots, « quotidiana delicta », entend les péchés véniels et non les mortels. Et cette interprétation est tout à fait conforme à celle que donne Albert le Grand d'un texte de saint Ambroise, et de la conclusion qu'en tire Pierre Lombard au quatrième livre des Sentences, dist. 13: Ambrosius: In Christo semel oblata est hostia, ad salutem potens : quid ergo nos? Nonne per singulos dies offerimus? Et si quotidie offeramus, ad recordationem ejus mortis fit et una est hostia, non multæ... Christus hostiam obtulit ipsam offerimus et nunc: sed quod nos agimus, recordatio est sacrificii. Nec causa suæ infirmitatis repetitur, sed nostræ, quia quotidie peccamus ». Pierre Lombard en tire cette conclusion : « Ex his colligitur esse sacrificium et dici, quod agitur in altari : et Christum semel oblatum, et quotidie offerri sed aliter tunc, aliter nunc. Et etiam quæ sit virtus hujus sacramenti ostenditur : remissio scilicet peccatorum venialium ». Albert le Grand explique ces deux témoignages: « Quod hic dicit Ambrosius, et Magister concludit, intelligitur de effectu consequenti... Cum enim per spiritualem cibum restituitur robur spiritus, tunc excludit venialium frequentiam et ex fervore devotionis deletur veniale quod inest, et etiam reatus pænæ peccati mortalis, quod per pœnitentiam factum est veniale. Et hoc modo intelliguntur verba Sanctorum inducta ». Citons encore un passage du Maître des Sentences: « Institutum est hoc sacramentum duabus de causis. In augmentum virtutis, scilicet charitatis, et in medicinam quotidianæ infirmitatis. Unde Augustinus: Iteratur quotidie hæc oblatio, licet Christus semel sit passus : quia quotidie peccamus peccatis, sine quibus mortalis infirmitas vivere non potest. Et quia quotidie labimur, quotidie Christus mysticè immolatur pro nobis. Dedit enim nobis hoc sacramentum salutis, ut, quia nos quotidie peccamus, et ille jam mori non potest, per hoc sacramentum remissionem consequamur ». Voilà clairement exprimé par saint Augustin le second motif de l'institution du sacrifice de l'autel, allégué par l'auteur des sermons sur l'Eucharistie. On dirait même que celui-ci a eu le texte de saint Augustin devant les yeux quand il a écrit: << Corpus Domini offertur jugiter pro nostris quotidianis delictis in altari ».

Examinons maintenant ce que l'auteur a voulu signifier par ces autres paroles de son texte : « Corpus Domini semel oblatum est in cruce pro debito originali. » A-t-il voulu dire que le Christ est mort sur la croix pour le seul péché originel? Nullement. Cette interprétation est contraire à toute sa doctrine. Il enseigne que le Christ est mort pour tous les péchés, et que le sacrifice de la messe est le mémorial du sacrifice de la Croix. « Prima causa institutionis Sacramenti altaris est memoria Salvatoris contra oblivionem. Ut scilicet per hoc admoniti, totam mentem et omnes sensus nostros quos a Deo

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