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il ne faut pas une science historique très développée pour y constater de nombreuses et importantes modifications. L'élection n'est plus le seul mode régulier de désigner les futurs évêques; là où elle s'est conservée, la composition du corps électoral a été modifiée; de plus, elle a été remplacée, en bien des pays, par la présentation. Celle-ci n'est pas dévolue partout aux mêmes personnes et peut se combiner, comme aux États-Unis, par exemple, avec une sorte d'élection. La confirmation de l'élection a aussi varié. Dans les pays où le système métropolitain était en usage, elle se distinguait à peine de l'élection, celle-ci se faisant régulièrement en présence de l'épiscopat de la province; dans les autres pays, comme l'Italie centrale et méridionale, elle nécessitait l'intervention positive du prélat supérieur à qui elle était réservée, puisque celui-ci n'assistait pas à l'élection. Ce dernier mode a fini par supplanter le premier, et les élections épiscopales n'ont été tenues pour valables qu'après leur approbation expresse, d'abord par les métropolitains, ensuite par le pape. Et dans les cas où l'on pourvoit à la désignation des personnes par voie de présentation, la confirmation s'est transformée en une acceptation, compliquée encore d'un choix, lorsque plusieurs personnes sont proposées sur une même liste.

Par conséquent, pour qu'un évêque soit légitimement pourvu de son siège et reçoive une légitime juridiction, il faut et il suffit que les actes requis d'après la discipline en vigueur soient accomplis validement, abstraction faite des formalités ou solennités accessoires. Or, il est certain qu'à une époque, et précisément à celle des Décrétales, la désignation des évêques se faisait par l'élection, le corps électoral étant le chapitre diocésain; l'élection ainsi faite était déférée pour confirmation au métropolitain, après quoi l'élu pouvait être sacré et prendre possession de son siège. Dès lors cependant, l'intervention du Saint-Siège était requise dans un grand nombre de cas, non pas sans doute en vertu d'un principe général, mais parce que les circonstances particulières à telle ou telle élection nécessitaient un recours à l'autorité suprême, le plus souvent parce que l'élu manquait de certaines conditions d'éligibilité. Bientôt les réserves se produisirent et la confirmation par le Pape devint la règle générale. Elle l'était déjà depuis longtemps lors du schisme d'Henri VIII et de la réforme d'Édouard et d'Élisabeth. Les réformateurs, voulant exclure le Saint-Siège de toute participation aux affaires ecclésiastiques du royaume d'Angleterre, durent nécessairement modifier la pratique en usage. Ils se contentèrent, comme le fait très justement remarquer M. Bayfield Roberts, de revenir à l'état qui avait immédiatement précédé celui qu'ils voulaient modifier; l'élection fut faite par es chapitres, la confirmation par le métropolitain; on y ajouta, ou plutôt on réglementa à nouveau plus strictement la double inter

vention du pouvoir royal, à savoir le congé d'élire et l'approbation de l'élu.

Il s'ensuit immédiatement que la méthode en usage dans l'Église d'Angleterre pour l'élection et la confirmation des évêques n'est pas de sa nature incapable de conférer la juridiction. On doit même dire qu'elle confère une juridiction, dans ce sens que l'Église d'Angleterre est une société chrétienne, organisée d'après le système épiscopal, et que cette société ne saurait exister et se maintenir sans une autorité, c'est-à-dire sans juridiction. Aussi bien les arguments des catholiques contre la juridiction des évêques anglicans ne sont-ils pas tirés de défauts inhérents à la méthode suivie pour les désigner et confirmer; ils sont plutôt fondés sur la situation irrégulière et, disons le mot, ouvertement schismatique de l'Église d'Angleterre. Il n'est pas possible que cette situation illégitime n'ait pas son contrecoup sur la légitimité de l'autorité des prélats de cette Église non pas sans doute dans ce sens qu'ils n'auraient aucune juridiction d'aucune espèce, mais dans ce sens qu'elle n'est pas et ne peut pas être reconnue par l'Église catholique, aux yeux de laquelle ses actes sont sans valeur, puisqu'ils émanent d'une société qui s'est exclue elle-même de la véritable unité chrétienne. C'est pourquoi cette juridiction est susceptible, puisqu'elle existe telle quelle, d'être l'objet d'une ratification, d'une sanatio, pour employer le terme juridique; elle en a besoin,-puisqu'elle n'est pas légitime.

Quant à la conception exagérée que se ferait Ucalégon des pouvoirs ecclésiastiques de la province métropolitaine, elle s'explique facilement; encore n'est-elle peut-être pas si excessive, si on la compare à l'action exercée par l'épiscopat de chaque province, là où existait le système métropolitain, au cours des Ive et va siècles. A cette époque, en effet, les lois et coutumes que M. Bayfied Roberts appelle œcuméniques n'étaient pas très nombreuses; les synodes provinciaux voyaient un vaste champ s'ouvrir à leurs délibérations et à leurs décisions; de fait, un bon nombre de dispositions disciplinaires, et même plusieurs formules, sinon plusieurs définitions dogmatiques, qui sont devenues la loi commune de l'Église, ont été portées d'abord par des conciles provinciaux. Il est vrai qu'au moment où fut constituée l'Église anglicane, ce champ d'action était beaucoup plus restreint, soit parce que le droit commun avait reçu un immense développement, soit parce que l'Église était beaucoup plus centralisée. Néanmoins, les réformateurs ne se firent pas scrupule de considérer l'Église anglicane comme une autorité ecclésiastique absolue et sans contrôle; les règlements, les formulaires de foi qu'ils rédigèrent le prouvent surabondamment. Pour eux, le pouvoir suprême ne résidait certainement pas dans le corps épiscopal répandu dans le monde entier; ils le voyaient plutôt dans le pouvoir

suprême de la nation, le roi et le parlement, ce dernier comprenant les évêques du royaume. Plus tard, la séparation des pouvoirs, séculier et spirituel, s'imposant de plus en plus, en Angleterre comme ailleurs, les anglicans, dégagés de l'ingérence excessive du pouvoir séculier, n'ont eu devant eux d'autre autorité ecclésiastique que l'épiscopat, organisé en deux provinces, suivant l'antique usage du pays. En l'absence d'un pouvoir central, fort et reconnu par tous, ils ont dû se rejeter sur le concile provincial, en vue surtout de légitimer et les trente-neuf articles et les autres changements introduits à l'époque de la réforme.

Quoi qu'il en soit, l'autorité du synode ne peut être plus légitime que celle des évêques qui le composent. Mais, abstraction faite de cette circonstance, il n'est que juste d'admettre que le concile provincial constitue dans l'Église une forme légitime du pouvoir législatif et, jusqu'à un certain point, dogmatique. Mais il faut ajouter aussitôt qu'on ne l'a jamais regardé comme un organe de ces pouvoirs définitifs et sans appel. Il était toujours possible, les faits de l'histoire ecclésiastique le prouvent surabondamment, de recourir à l'évêque de Rome, lequel, avec ou sans une représentation plus considérable de l'épiscopat, avait qualité pour porter sur l'affaire, disciplinaire ou dogmatique, qui lui était déférée ou qu'il évoquait luimême, un jugement définitif. Mais, si telle était la pratique ancienne de l'Église, il n'est pas possible de ne pas voir combien fausse et périlleuse est la situation dans laquelle s'est laissé entrainer l'Église d'Angleterre. Admettons, et il faut bien l'admettre, le principe énoncé par M. Bayfields Roberts, à savoir, que les conciles provinciaux ne peuvent rien faire contre les lois ou les coutumes œcuméniques, on se heurtera aussitôt à des conclusions qu'il sera également difficile à M. Bayfield Roberts d'admettre ou de refuter.

Si le concile provincial n'est pas une autorité suprême, mais seulement secondaire, quelle sera donc l'autorité supérieure à celle-là, aux yeux de l'Église anglicane? S'il n'en existe pas, cette Église es! donc incomplète, découronnée, et les difficultés dogmatiques ou autres ne relèveront d'aucun tribunal supérieur compétent? Dira-t-on que cette autorité supérieure est le jus commune des Églises chrétiennes, les faits, les dogmes, la discipline cuménique? Il a donc existé, autrefois du moins, une autorité compétente pour légiférer de manière à atteindre et à obliger toute l'Église chrétienne? Mais cette législation commune ne peut demeurer ainsi sans soutien; il faut qu'une autorité vivante puisse la maintenir, l'expliquer, l'interpréter, au besoin la développer. Quelle sera-t-elle pour les anglicans? L'épiscopat chrétien? Mais c'est là une abstraction: il n'y a pas d'épiscopat chrétien exerçant une action commune; il n'y a que des épiscopats séparés: épiscopat catholique romain, épiscopat grec

orthodoxe, épiscopat anglican. Mais cette législation œcuménique, que les synodes anglicans sont tenus de respecter, qui l'a faite? Sans doute elle provient en partie du droit divin, mais non cependant d'une manière exclusive; de plus, le droit divin lui-même a dû être déclaré et interprété par une autorité ecclésiastique. Cette autorité, quelle qu'elle soit d'ailleurs, dont les antiques décisions s'imposent au respect et à l'observation de l'Église anglicane, a-t-elle cessé d'exister? Et, depuis Henri VIII, a-t-elle perdu qualité pour obliger l'ensemble des fidèles baptisés? Mais précisons encore devronsnous chercher cette autorité dans l'Église catholique romaine antérieure à la rupture d'Henri VIII et d'Élisabeth? Mais alors quelle cause aurait pu lui faire perdre sa compétence à l'égard de ceux qui s'appellent catholiques et veulent l'être? Et l'Église anglicane admet-elle, de fait, toutes les définitions dogmatiques, toutes les lois disciplinaires générales qui étaient admises au commencement du règne d'Henri VIII? Que s'il faut ne pas descendre aussi bas et s'arrêter, par exemple, au moment de la séparation de l'Église grecque, soit sous Michel Cérulaire, soit sous Photius, je demanderai surtout si les anglicans, qui arrêtent ainsi au xe ou xre siècle l'ère des dogmes et des lois œcuméniques, prétendent vraiment partager et poursuivre les croyances et la manière de voir de leurs ancêtres du xre au xve siècle? Est-ce qu'il n'y avait point d'évêques d'Angleterre aux conciles de Latran, aux conciles de Lyon, à ceux de Vienne et de Florence? Et les décisions d'ordre général qui y furent portées n'étaient-elles point reçues en Angleterre, avec le Corpus Juris? Voudraient-ils rayer ainsi d'un trait de plume cinq siècles de l'histoire de leur Église?

Mais ce n'est pas tout: M. Bayfield Roberts admet que les conciles provinciaux anglicans, c'est-à-dire la plus haute autorité ecclésiastique reconnue par l'Église d'Angleterre est tenue de respecter « ce qui possède une autorité œcuménique, qu'il s'agisse d'un décret de concile général ou d'une coutume universelle ». Il ajoute même : «Que si on nous démontrait que les trente-neuf articles sont en opposition, sur un point quelconque, avec la foi ou la discipline catholiques, nous ne pourrions que rejeter ces innovations, comme faites ultra vires et, par conséquent, comme nulles et sans valeur. » Mais on peut aller contre la foi et la discipline générale de deux manières: d'abord en édictant des définitions ou des lois contraires. De ce chef je n'aurais pas trop de difficulté à accorder que les trente-neuf articles peuvent être entendus, s'ils ne le sont pas toujours, dans un sens conforme à la théologie romaine. Il resterait cependant à se demander pourquoi on n'a pas respecté les anciennes formules. Mais on peut encore aller indirectement contre le jus commune en en proposant une rédaction nouvelle incomplète, qui laisse croire, si elle ne le dit pas expressément, qu'en dehors du formulaire nouveau (trente-neuf

articles ou Prayer-Book), il n'y a pas d'autres vérités à croire, pas d'autres lois générales à observer. Cela équivaut à une négation pratique de tout ce qui n'est pas dans le formulaire. Or, n'est-ce pas le cas pour l'Église anglicane? Sans parler des interprétations fort différentes données à certains des articles, quelles sont les propositions définies comme de foi catholique, quelles sont les lois œcuméniques admises par les anglicans, en dehors des trente-neuf articles et du Prayer-Book? Et cependant, dira-t-on que l'énumération est complète, qu'elle ne laisse de côté aucune définition ou profession de foi catholique? Je ne parle pas des décrets du concile de Trente; mais de ceux des conciles des premiers siècles, et du moyen âge, de Latran, de Lyon, de Florence? Et si c'est à dessein que l'on a prétendu se restreindre aux actes acuméniques antérieurs au Ix siècle, il faudrait justifier la détermination d'une telle limite, contrairement à la croyance des catholiques anglais jusqu'à Henri VIII. Si on a voulu garder tout le dogme accepté par l'Église latine au commencement du xvIe siècle, comme il semble qu'on aurait dù le faire, alors il est facile d'énumérer des définitions solennelles portées par des conciles œcuméniques du moyen âge, qui n'ont pas trouvé place dans les trenteneuf articles. Il y avait des évêques d'Angleterre à Lyon et à Florence; aucun, que nous sachions, n'a protesté contre les définitions. suivantes, acceptées également par les fidèles du royaume : «< Sanctam Romanam Ecclesiam, summum et plenum primatum et principatum super universam Ecclesiam catholicam obtinere, quem se ab ipso Domino in beato Petro apostolorum principe sive vertice, cujus Romanus Pontifex est successor cum potestatis plenitudine recepisse veraciter et humiliter recognoscit; et sicut præ ceteris tenetur fidei veritatem defendere, sic et, si quæ de fide subortæ fuerint quæstiones, suo debent judicio definiri. » Et le concile de Florence : « Pontificem romanum, verum Christi Vicarium, totiusque Ecclesiæ caput et omnium Christianorum patrem ac doctorem existere; et ipsi in beato Petro pascendi, regendi ac gubernandi universalem Ecclesiam a Domino nostro Jesu Christo plenam potestatem traditam

esse » 1.

il

En résumé, si l'épiscopat anglican, réuni en synodes provinciaux, est tenu de respecter le jus commune de l'Église catholique, s'il n'a pas le droit d'en abroger une partie quelconque et nous ne voyons pas plus que M. Bayfield Roberts comment il en aurait le droit, faut avouer que la détermination de ce jus commune est, pour les anglicans, fort difficile; car aucune autorité ne leur garantit que l'énumération contenue dans les trente-neuf articles ou même dans le Prayer-book est complète et bien rédigée, et, le 'fùt-elle, aucune auto

Conc. de Lyon; Conc. de Florence, cités par le Conc. Vat., const. Pastor æternus, c. 4.

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