Imatges de pàgina
PDF
EPUB

dans la voie du ciel, nous est comme une ouverture aux égaremens de nos passions et à la corruption de nos mœurs: Quasi pateret via ad delinquendum, quia patet ad pœnitendum (1). Or Dieu, chrétiens, étant ce qu'il est, peut-il, pour l'honneur même de sa grâce et pour la justification de sa providence, n'avoir pas une opposition spéciale à se réconcilier avec nous dans cet état? Mépris de la majesté et de la souveraineté de Dieu : car, pour suivre toujours la pensée de Tertullien, qu'avoit fait le pécheur, en se convertissant la première fois et en embrassant la pénitence? il avoit détruit l'empire du démon dans son cœur, pour y faire régner Dicu: et que fait-il en retombant dans son désordre? il bannit Dieu de son cœur, pour y rétablir l'empire du démon. L'homme, dans cette alternative de pénitence et de rechute, semble vouloir faire comparaison de l'un et de l'autre, et, après avoir essayé de l'un et de l'autre, il conclut contre Dieu en s'attachant à son ennemi et le choisissant par préférence à Dieu. De sorte, tout ceci est encore de Tertullien, de sorte que, comme par la pénitence son intention avoit été de satisfaire à Dieu, maintenant, par une pénitence toute contraire, et qui est en quelque manière la pénitence de sa pénitence même, aux dépens de Dieu il appaise le démon et lui satisfait. Or, si quelque chose peut nous rendre irréconciliables, n'est-ce pas un tel outrage? Toute rechute peut nous engager dans ce malheur, mais particulièrement celle qui va jusqu'à quitter absolument Dieu, jusqu'à nous dégager de son service, jusqu'à secouer le joug de sa loi; je veux dire celle par où nous ne retombons pas seulement dans le péché, mais dans l'attachement au péché : car une semblable rechute est une espèce d'apostasie dont le savant Estius, après plusieurs Pères, a prétendu expliquer le passage de saint Paul: Im

(1) Tertull.

possibile est renovari ad pœnitentiam; ne voulant pas que cette impossibilité, même morale, de revenir à la pénitence, fùt l'effet des simples rechutes qui arrivent par surprise, par foiblesse, par fragilité; mais soutenant, et avec raison, que, dans le sentiment de l'Apôtre, c'étoit la suite de ces rechutes éclatantes, de ces rechutes méditées et délibérées, de ces rechutes qui portent conséquence pour l'état de la vie, et qui, après des conversions édifiantes et publiques, déshonorent le culte de Dieu et scandalisent la piété. Vous le savez, chrétiens, et fasse le ciel que votre expérience ne vous ait jamais fait sentir combien ces inconstances criminelles rendent difficile et comme impossible le retour à Dieu.

Finissons, et de tout ce discours tirons une double conclusion. L'une regarde ceux qui, depuis leur pénitence, se sont maintenus heureusement et constamment dans l'état de la grâce; et l'autre s'adresse à ces pécheurs qui, par de funestes rechutes, se sont engagés dans les voies de l'iniquité d'où la pénitence les avoit retirés. Donnons aux premiers l'important avis que le Docteur des gentils donnoit aux chrétiens de Corinthe: Qui se existimat stare, videat ne cadat (1). Prenez garde, mes frères, et que le malheur de tant d'ames que la rechute a perdues et qu'elle perd tous les jours, vous serve de leçon et de motif pour exciter votre vigilance. Mais en quoi cette vigilance doit-elle consister? à vous bien connoître, et à bien connoître les dangers qui vous environnent; à vous bien connoître vous-mêmes, vos foiblesses, vos inclinations, vos passions, afin de ne point compter sur vos forces et de vous en défier: car c'est une salutaire défiance de vous-mêmes qui doit faire votre assurance; à bien connoître les dangers qui vous environnent, afin de les éviter, de fuir l'occasion, de vous éloigner de telle compagnie : car ce qui peut mieux

(1) 1. Cor. 10.

Vous

vous garantir, avec la grâce divine, c'est la fuite. Relevons l'espérance des seconds, et, après les avoir justement intimidés, ne les renvoyons pas dans le découragement. C'est pour cela que je les exhorte à faire de plus grands efforts que jamais ; leur conversion est difficile, mais elle n'est pas encore absolument impossible; ou, si elle est impossible à l'homme, elle ne l'est pas à Dieu ni à sa grâce. Parce qu'elle n'est pas impossible et qu'elle est d'ailleurs nécessaire, il faut l'entreprendre; et parce qu'elle est difficile, il faut l'entreprendre avec une résolution forte et généreuse. Ce que je leur conseille surtout aux uns et aux autres, c'est de chercher un guide fidèle, un directeur éclairé et désintéressé, de lui exposer leur état et de prendre ses conseils; de ne point craindre qu'il les connoisse, mais de craindre plutôt qu'il ne les connoisse pas assez ainsi ils se maintiendront dans les voies de la pénitence, s'ils y sont rentrés, ou ils y rentreront s'ils ne s'y sont pas maintenus; la pénitence les conduira dans le chemin du salut et les fera enfin arriver au port de la béatitude éternelle, que je vous souhaite, etc.

[ocr errors][merged small][merged small]

POUR LE

XIX.E DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE.

SUR L'ÉTERNITÉ MALHEUREUSE.

Tunc dixit rex ministris: Ligatis manibus et pedibus ejus, mittite eum in tenebras exteriores. Ibi erit fletus et stridor dentium.

Alors le roi dit à ses officiers : Jettez-le dans les ténèbres, pieds et mains liées. C'est-là qu'il y aura des pleurs et des grincemens de dents. En saint Matth., chap. 22.

C'EST l'arrêt que prononce un roi de la terre contre un indigne sujet dont il se tient offensé, et c'est ainsi qu'il punit la témérité de cet homme, qui, sans égard à la majesté du prince et au respect qui lui est dû, s'est présenté à son festin, et n'y a pas apporté la robe de noces. Mais, chrétiens, ce roi de la terre, tout rigoureux qu'il paroît, n'est qu'une image bien imparfaite de ce roi du ciel qui doit un jour nous appeler à son tribunal pour y être jugés, et pour y entendre le formidable arrêt de notre réprobation, si nous avons eu le malheur d'encourir sa disgrâce et de tomber dans les mains de sa justice. Les plus puissans rois de la terre, dans la plus grande sévérité de leurs châtimens, n'ont, après tout, de pouvoir, et n'exercent leur rigueur que sur les corps, sur ces corps déjà périssables par eux-mêmes et mortels : Ligatis manibus et pedibus; mais d'étendre ses vengeances jusques à l'ame, de faire sentir à l'ame tout le poids de sa colère, de la réprouver et de la perdre, et, par le même anathême, de l'envelopper avec le corps dans la même damnation, c'est l'essentielle

SUR L'ÉTERNITÉ MALHEUREUSE.

179 et terrible différence qui distingue ce juge redoutable, dont le bras vengeur s'appesantit si rudement sur ses ennemis, et les poursuit dans les ombres de la mort et les profonds abîmes de l'enfer. Le dirai-je néanmoins, mes chers auditeurs? ce n'est point précisément par là, ce n'est point par la peine actuelle et présente qu'il fait ressentir au pécheur réprouvé, que ce souverain Maître me semble plus à craindre : c'est par la durée infinie de cette peine, c'est par son éternité. Si ce n'étoit pas une peine éternelle, il y auroit une fin à espérer ; et cette espérance, dans l'extrémité même de la douleur, seroit un soulagement et un soutien. Mais une peine sans fin, sans espoir, sans remède, voilà ce que je viens vous proposer comme le comble de la misère et l'état le plus accablant; voilà la source de ces larmes intarissables, et la cause de ces grincemens de dents dont il est parlé dans notre évangile : Ibi erit fletus et stridor dentium. Vous voyez, chrétiens, l'importante matière que j'entreprends aujourd'hui de traiter: je veux vous entretenir de l'éternité malheureuse; et parce que c'est une de ces vérités capitales qui se soutiennent par elles-mêmes, je veux, sans art et sans étude, vous en donner les idées les plus communes. Il ne me faut que le secours de votre grâce, ô mon Dieu ! et je vous le demande par l'intercession de Marie, en lui disant: Ave.

C'est, dans tous les siècles, depuis l'établissement de l'Eglise, qu'on a raisonné sur l'éternité malheureuse; et qu'outre les impies et les libertins déclarés, qui ont refusé de souscrire à cet article fondamental, il s'est trouvé, comme il s'en trouve tous les jours au milieu même du christianisme, des chrétiens foibles et chancelans, qui se sont laissés troubler de certains doutes au sujet de cette éternité, et que leur trouble, par une conséquence naturelle, a refroidis dans tous les exercices

« AnteriorContinua »