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ce discours rallume tout votre zèle pour le soutien de votre foi et pour sa gloire. C'est ainsi que, sans passer les mers et sans porter l'évangile à des peuples éloignés, vous pouvez participer au ministère des apôtres. Nedétruisons pas dans le sein de l'Eglise ce que d'autres bâtissent au milieu de l'idolâtrie; et tandis que des ouvriers infatigables vont chercher des nations barbares et leur inspirer le respect de nos saints mystères, ne les avilissons pas dans l'esprit même des fidèles, et ne leur donnons pas lieu d'en être moins touchés. Nous sommes si sensibles à l'honneur d'une famille où nous avons pris naissance, si sensibles à l'honneur d'un corps où nous avons été associés comme membres : ne le serons-nous point à l'honneur d'une religion où nous avons été siheureusement régénérés, à qui nous nous sommes si étroitement engagés, par qui nous avons reçu tant de grâces, et dont nous attendons encore une couronne immortelle? Car si nous sommes, selon l'expression de l'Apôtre, par la sainteté de nos mœurs, la joie et la couronne de notre religion: Gaudium meum et corona mea, elle sera la nôtre; et autant que nous l'aurons honorée en cette vie, autant serons-nous glorifiés dans l'éternité, que je vous souhaite, etc.

SERMON

POUR LE

XXI.E DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE.

SUR LE PARDON DES INJURES.

Tunc vocavit illum dominus suus, et ait illi: Serve nequam, omne debitum dimisi tibi, quoniam rogasti me : nonne ergò oportuit et te misereri conservi tui, sicut et ego tuî misertus sum? Et iratus dominus ejus, tradidit eum tortoribus.

Alors son maître le fit appeler, et lui dit : Méchant serviteur, je vous ai remis tout ce que vous me deviez, parce que vous 'm'en avez prié : ne falloit-il donc pas avoir pitié de votre compagnon, comme j'ai eu pitié de vous? Sur cela, le maître indigné le livra aux exécuteurs de la justice. En saint Matthieu, chap. 18.

JAMAIS reproche ne fut plus convaincant, ni jamais aussi châtiment ne fut plus juste. Pour peu que nous ayons de lumières et de droiture naturelle, il n'y a personne qui ne sente toute la force de l'un, et qui n'approuve toute la rigueur de l'autre. Car que pouvoit répondre ce serviteur impitoyable et si dur à se faire payer sans délai une somme de cent deniers, lors même que son maître, touché pour lui de compassion et ayant égard à sa misère, venoit de lui remettre jusques à dix mille talens? Si donc, irrité d'une telle conduite, le maître ne diffère pas à punir ce misérable, s'il le traite comme ce malheureux a traité son débiteur, et s'il le fait enfermer dans une obscure prison, c'est un arrêt dont l'équité se présente d'abord à l'esprit, et dont la raison est évidente. Voilà, mes chers auditeurs, la figure, et dès que nous en demeurons là, nous n'y voyons rien qui

nous surprenne, ni rien qui ne soit conforme aux lois d'une étroite justice. Mais laissons la figure, et faisonsen l'application. Jésus-Christ l'a faite lui-même dans notre évangile, et il y a sans doute de quoi nous étonner. Car c'est ainsi, dit le Fils de Dieu, que votre Père céleste se comportera envers vous: Sic et Pater vester coelestis faciet vobis (1). Quelle menace! et à qui parle le Sauveur du monde? à vous, chrétiens, et à moi, si nous ne pratiquons pas à l'égard du prochain la même charité que ce Dieu de miséricorde a tant de fois exercée en notre faveur, et qu'il exerce encore tous les jours; si dans les offenses que nous recevons du prochain, nous nous livrons à nos ressentimens et à nos vengeances; si nous ne pardonnons pas, si nous ne remettons pas libéralement toute la dette, ou si nous ne la remettons pas sincèrement et de bonne foi: Sic et Pater vester cœlestis faciet vobis, si non remiseritis unusquisque proximo suo de cordibus vestris. De là, mes frères, vous jugez de quelle importance il est de vous exhorter fortement au pardon des injures. Or, c'est ce que j'entreprends aujourd'hui. Matière d'une conséquence infinie; matière où je n'aurois pas la confiance de m'engager, si je ne comptois, Seigneur, sur l'onction divine et l'efficace toute-puissante de votre parole. Soutenez-moi, mon Dieu, dans un sujet où votre grâce m'est plus nécessaire que jamais. Je le demande par la médiation de Marie. Ave, Maria.

Si je parlois à des païens et en philosophe, je pourrois trouver, dans les principes mêmes de la prudence du siècle, de quoi réprimer les saillies de la vengeance, et de quoi condamner les excès d'une passion aussi aveugle qu'elle est violente et emportée; mais, du reste, mes chers auditeurs, convenons qu'avec toutes les preuves

(1) Matth. 18.

de la philosophie humaine, je discourrois beaucoup et avancerois peu ; et que les plus spécieux raisonnemens n'aboutiroient tout au plus qu'à satisfaire votre curiosité, et non point à convaincre vos esprits, ni à toucher vos cœurs. Il faut donc prendre la chose de bien plus haut, et c'est à la religion que je dois avoir recours; il faut vous parler, non en sage du monde, mais en prédicateur de Jésus-Christ; il faut, pour vous soumettre, employer l'autorité de Dieu même, et pour vous engager, vous proposer un intérêt éternel. Appliquez-vous, s'il vous plaît, à mon dessein, que j'explique en deux mots. Je viens vous entretenir d'un des plus grands commandemens de la loi; et afin de vous en persuader solidement la pratique, je viens établir deux proposi→ tions qui partageront ce discours. Dieu a droit de nous ordonner, en faveur du prochain, le pardon des injures que nous en avons reçues: c'est la première proposition et la première partie. Si nous refusons au prochain ce pardon, nous donnons à Dieu un droit particulier de ne nous pardonner jamais à nous-mêmes: c'est la seconde proposition et la seconde partie. Prenez garde, mon cher auditeur: voulez-vous disputer à Dieu son droit? je vais le justifier; prétendez-vous que Dieu vous pardonnant, après que vous n'avez pas pardonné, se relâche ainsi de son droit? c'est de quoi je vais vous détromper. Il n'est point ici question de belles paroles, ni des agrémens de l'éloquence chrétienne; mais il s'agit de vous faire vivement comprendre deux des plus grandes vérités. Commençons.

PREMIÈRE PARTIE

Je l'avoue, chrétiens, le pardon des injures est difficile, et il n'y a rien dans le cœur de l'homme qui n'y répugne; c'est ce que le christianisme a de plus sublime, de plus héroïque, de plus parfait. Pardonner sincère

ment et de bonne foi, pardonner pleinement et sans réserve, voilà, dis-je, à en juger par les sentimens naturels, la plus rude épreuve de la charité, et l'un des plus grands efforts de la religion; mais, après tout, je soutiens que Dieu a droit de l'exiger de nous, et je dis qu'il l'exige en effet : comment cela? comme maître, comme père, comme modèle, comme juge. Comme maître, par la loi qu'il nous impose; comme père, par les biens dont il nous comble; comme modèle, par les exemples qu'il nous donne, et comme juge, par le pardon qu'il nous promet. Tout ceci est d'une extrême importance: n'en perdez rien.

Pardonner les injures et aimer ses ennemis, c'est un précepte, mes chers auditeurs, fondé sur toutes les lois divines, et aussi ancien que la vraie religion. Dans la loi de nature, dans la loi écrite, dans la loi de grâce, cet amour des ennemis a été d'une obligation indispensable; et quand on disoit aux Juifs: Vous aimerez votre prochain et vous haïrez votre ennemi, ce n'étoit pas Dieu qui le disoit, remarque saint Augustin, mais ceux qui interprétoient mal la loi de Dieu; ce n'étoit pas une tradition de Moïse, mais une tradition des pharisiens, qui, corrompant la loi de Moïse, croyoient que le commandement d'aimer le prochain leur laissoit la liberté de haïr leurs ennemis. Jésus-Christ n'a donc point établi une loi nouvelle, lorsqu'usant de toute sa puissance de législateur, il nous a dit: Aimez vos ennemis et pardonnez-leur; mais il a seulement renouvelé cette loi, qui étoit comme effacée du souvenir des hommes, il a seulement expliqué cette loi, qui étoit comme obscurcie par l'ignorance et les grossières erreurs des hommes; il a seulement autorisé cette loi, qui étoit comme abolie par la corruption où vivoient la plupart des hommes. Car si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, poursuivoit le Sauveur du monde, que faites

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