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jour, et peut-être sans fruit? Car qu'est-ce que ces réconciliations de la mort, et que peut-on se promettre de ce qui n'est souvent qu'une cérémonie et qu'un usage? S'il y a quelques difficultés à surmonter, et quelques victoires à remporter sur moi, j'en serai bien dédommagé par l'onction divine qu'on y goûte. Jamais Joseph ne ressentit plus de consolation que lorsqu'il embrassa ses frères qui l'avoient vendu. Il en pleura, non pas de douleur, mais de la joie la plus douce et la plus solide. Quoi qu'il en soit, chrétiens, nous sommes pécheurs

car voilà toujours où il en faut revenir), et pécheurs en toutes manières. Comme pécheurs, nous avons un besoin infini que Dieu nous pardonne. Pardonnons, et espérons tout de sa miséricorde dans le temps et dans l'éternité bienheureuse, où nous conduise, etc.

SERMON

POUR LE

XXII.E DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE.

SUR LA RESTITUTION.

Reddite quæ sunt Cæsaris, Cæsari; et quæ sunt Dei, Deo.

Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu. En saint Matthieu, chap. 22.

C'EST l'oracle que Jésus-Christ, la sagesse incréée, prononce en notre évangile pour confondre la prudence humaine dans la personne de ses ennemis. Les pharisiens, ces prétendus réformateurs, lui firent, de concert, avec quelques gens de la cour d'Hérode, une question à laquelle il sembloit ne pouvoir répondre, sans se rendre criminel. Ils lui demandèrent s'il étoit juste et même permis de payer le tribut établi dans la Judée par l'empereur romain: Licet censum dare Cœsari, an non? (1) Si, par sa réponse, il eût approuvé cette nouvelle imposition, c'étoit choquer directement les intérêts des Juifs, à qui les pharisiens prêchoient sans cesse qu'étant le peuple de Dieu, ils ne pouvoient s'assujettir aux lois des hommes comme les autres nations de la terre. Mais d'ailleurs, s'il eût répondu favorablement pour l'exemption du peuple, c'étoit s'exposer à être traité de séditieux par les hérodiens, qui, suivant les mouvemens de la cour et du sénat de Rome, à l'exemple d'Hérode, leur souverain, s'efforçoient partout de publier que, puisque les Romains par leurs armes maintenoient le repos de la Judée, et en étoient les protecteurs, on ne pouvoit sans injustice leur refuser

(1) Matth. 22.

TOME VII.

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une telle reconnoissance et un tribut si raisonnable. Vous savez, chrétiens, quelle fut la décision du Sauveur du monde, lorsque, prenant la pièce de monnoie qu'on lui avoit présentée, et y voyant l'image de Tibère : Allez, hypocrites, dit-il : rendez à César ce que vous confessez vous-mêmes être à César, et rendez à Dieu ce qui est à Dieu. Réponse qui confondit la malice des hommes, sans engager l'innocence du Fils de Dieu, qui donna tout à César, sans rien ôter au peuple, et dont les ennemis mêmes de Jésus-Christ conçurent de l'admiration: Et audientes mirati sunt (1); mais en sorte, remarque saint Jérôme, qu'avec ce sentiment d'admiration qui devoit les attacher à cet homme-Dieu, ils remportèrent néanmoins tout leur endurcissement et toute leur infidélité: Infidelitatem cum admiratione reportantes (2).

Mon dessein est de vous expliquer, mes chers auditeurs, cette divine réponse et cette importante maxime de notre adorable Maître, parce qu'elle contient un des devoirs les plus essentiels de la justice chrétienne. Je ne m'arrêterai point aux mystiques interprétations de quelques Pères et de quelques prédicateurs après eux. Je m'en tiens à la lettre; et dans le sens le plus naturel, je viens vous dire avec Jésus-Christ: Reddité; Rendezvous mutuellement, mes frères, ce que vous vous devez les uns aux autres. Soyez pour le prochain aussi fidèles que vous voulez qu'il le soit pour vous; et si par usurpation vous aviez attenté sur ses droits, que votre premier soin soit de les réparer par une prompte et légitime restitution: Reddite ergò quæ sunt Cæsaris, Cœsari: après cela, vous pourrez rendre à Dieu ce qui lui appartient: Et quae sunt Dei, Deo. quæ

Mais que dis-je, et quel ordre? n'est-ce pas à Dieu que nous devons d'abord penser; et dans la concurrence, (1) Matth. 22. - (2) Hieron

ne doit-il pas être satisfait préférablement à tout autre? Les intérêts du prochain peuvent-ils entrer en parallèle avec les siens, et toute réparation due à sa justice, ne tient-elle pas le premier rang entre nos obligations? D'où vient donc que Jésus-Christ paroît établir un ordre tout contraire? ce n'est pas, répond le docteur angélique saint Thomas, que l'intérêt du prochain doive l'emporter sur l'intérêt de Dieu : mais c'est que l'intérêt de Dieu est nécessairement renfermé dans l'intérêt du prochain, et qu'il n'est pas possible que nous nous acquittions auprès du prochain, sans nous acquitter par là même auprès de Dieu, qui en est le protecteur et comme le tuteur. Ainsi, chrétiens, souffrez que je me borne précisément à ces paroles: Reddite quæ sunt Cæsaris, Cæsari; Rendez à César ce qui appartient à César ; et que je vous parle aujourd'hui de la restitution par rapport aux biens de la fortune. Je me promets beaucoup de cette matière. Elle est morale, elle est instructive, elle est capable de remuer les plus secrets ressorts de vos consciences. Demandons les lumières du SaintEsprit par l'intercession de Marie. Ave, Maria.

Saint Chrysostôme, parlant des injustices qui se commettent contre le prochain, et en particulier des usurpations soit violentes, soit frauduleuses dont la société humaine est continuellement troublée, a fait une ré-flexion bien solide, quand il a dit que l'injustice étoit de tous les désordres du monde celui que l'on condamnoit, que l'on détestoit, que l'on craignoit le plus dans les autres, mais en même temps que l'on négligeoit, que l'on toléroit, que l'on fomentoit davantage en soimême. Il est étrange, disoit ce saint docteur, de voir le soin avec lequel nous nous précautionnons contre la mauvaise foi des hommes à notre égard, et cependant le peu de défiance que nous avons de notre mauvaise

foi envers eux. Nous sommes vigilans et attentifs pour empêcher que ceux qui traitent avec nous ne nous fassent le moindre tort; et à peine pensons-nous jamais au tort que nous leur faisons. Quoique la charité nous oblige à croire que notre prochain est équitable, la prudence nous fait prendre des mesures avec lui, comme s'il n'avoit nulle équité; et parce qu'il peut être injuste, nous nous gardons de lui comme s'il l'étoit en effet. Au contraire, quoique la connoissance que nous avons de nous-mêmes nous convainque qu'il y a en nous un fonds inépuisable d'iniquité, l'amour-propre qui nous aveugle, fait que nous ne nous en défions presque jamais : et néanmoins, ajoute saint Chrysostôme, il est évident que l'iniquité dont on use envers nous, nous est bien moins préjudiciable, que celle dont nous usons envers autrui, puisque dans les maximes du salut, c'est un mal sans comparaison plus grand de tromper que d'être trompé, de faire l'injustice que de la souffrir, de dépouiller le prochain que d'être dépouillé soi-même. Le monde n'en juge pas de la sorte : mais la foi, qui est notre règle, établit ce point de morale comme une vérité infaillible, dont il ne nous est pas permis de douter. Il s'ensuit donc qu'un homme chrétien, qui veut vivre selon les principes de la loi de Dieu, doit avoir plus de délicatesse pour ne pas blesser les intérêts de son frère, que pour conserver les siens propres; et que sa principale étude ne devroit pas être de se préserver de la mauvaise foi de ceux qui l'approchent, mais de préserver ceux qui l'approchent et de se préserver soi-même de la sienne. Cette conséquence passeroit même dans le paganisme pour indubitable : jugez si elle peut être contestée dans la religion de Jésus-Christ. Or, voilà, mes chers auditeurs, l'important secret que je dois aujourd'hui vous découvrir, pour vous faire prendre selon Dieu une conduite sûre, et pour vous mettre à couvert

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