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les enleveroit, ces biens si injustement possédés: mais vous voyez en quelle pauvreté elle vous a réduits : Divitiæ vestræ putrefacta sunt; aurum et argentum vestrum æruginavit (1). Encore s'il ne vous étoit point arrivé d'autre malheur que de les perdre. Mais la perte même que vous en avez faite et que vous ne pouviez éviter, puisque c'étoient des biens périssables, et que d'ailleurs vous étiez vous-mêmes mortels, c'est ce qui rend contre vous le plus convaincant et le plus sensible témoignage. Car d'avoir sacrifié votre ame, cette ame immortelle, à des biens passagers et sur quoi il y avoit si peu à compter, compter, voilà le dernier degré de l'aveuglement et le plus grand de tous les désordres: Et ærugo eorum in testimonium vobis erit (2). Qu'avez-vous donc fait en accumulant revenus sur revenus, profits sur profits, en prenant de toutes parts et à toutes mains, et ne vous dessaisissant jamais de rien? vous l'éprouvez à présent, et vous le sentirez pendant toute l'éternité. Thesaurizastis vobis iram in novissimis diebus (3): Vous vous êtes fait un trésor de colère pour le jour redoutable des vengeances divines. Vous avez suscité contre vous autant d'accusateurs qu'il y a eu de malheureux que vous avez tenus dans l'oppression, et dont la ruine vous a enrichis. N'entendez-vous pas leurs cris qui s'élèvent au trône du Seigneur? du moins il les entend, et c'est assez. Oui, il entend les cris de ces domestiques dont vous exigiez si rigoureusement les services, et à qui vous en refusiez si impitoyablement la récompense; les cris de ces marchands qui vous revêtoient, qui vous nourrissoient, qui vous entretenoient de leur bien, et qui n'en ont jamais touché le juste prix; les cris de ces ouvriers qui s'épuisoient pour vous de travail, et qui n'ont jamais eu de vous leur salaire ; les cris de ces créanciers que vous avez fatigués par vos délais, arrêtés par votre crédit, privés de leurs plus lé

(1) Jacob. 5. (2) Ibid. — (3) Ibid.

gitimes prétentions par vos artifices et vos détours; les cris de ces orphelins, de ces pupilles, de ces familles entières: le Seigneur, encore une fois, le Dieu d'Israël les entend, ces cris; et qui vous défendra des coups de sa justice irritée, et des foudres dont son bras est armé pour vous accabler? Ecce merces operariorum qui messuerunt regiones vestras, quæ fraudata est à vobis, clamat; et clamor eorum in aures Domini Sabaoth introivit (1).

Il n'ya, mes frères, qu'une restitution prompte et parfaite qui puisse vous préserver de ces foudroyans anathêmes, que Dieu, vengeur des intérêts du prochain, est prêt à lancer sur vos têtes. Je dis une restitution prompte ; car je vous l'ai déjà fait entendre, et je ne puis trop vous le redire: Dès le moment que vous pouvez satisfaire, il ne vous est pas permis de différer; et c'est, non-seulement un abus, mais un péché, de remettre comme quelques-uns, à la mort, ce qu'on peut accomplir pendant la vie. Je dis une restitution parfaite, sans réduire les gens à des compositions forcées et à des accommodemens auxquels ils ne consentent que par contrainte, et parce qu'ils craignent d'être frustrés de toute la dette. Renouvelez, mon Dieu, parmi votre peuple, cet esprit de droiture et d'équité, cet esprit de désintéressement qui est le vrai caractère du christianisme où vous nous avez appelés. Ne souffrez pas que des biens aussi vils et aussi méprisables que le sont tous les biens de la terre, nous fassent oublier les biens de la gloire et de la béatitude céleste que vous nous préparez. Que nous serviroit de gagner tout le monde, si nous venions à vous perdre et à nous perdre nous-mêmes? Mais au contraire, quand nous serions dépouillés de tout en cette vie, ne seroit-ce pas toujours la souveraine félicité pour nous de mériter ainsi votre grâce et de vous posséder dans la vie éternelle, où nous conduise, etc.

(1) Jacob. 5.

POUR LE

XXIII.E DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE.

SUR LE DÉSIR ET LE DÉGOUT DE LA
COMMUNION.

Dicebat enim intra se: Si tetigero tantùm vestimentum ejus, salva ero.

Elle disoit en elle-même : Si je puis seulement toucher sa robe, je serai guérie. En saint Matthieu, chap. 9.

C'EST le juste raisonnement de cette femme affligée d'une longue infirmité qui l'avoit réduite dans une extrême langueur, et dont elle souhaitoit d'être guérie. Témoin des miracles qu'opéroit le Sauveur du monde, elle conclut qu'il ne seroit pas moins puissant pour elle que pour les autres, et qu'elle n'en devoit pas moins attendre de secours. Elle porta encore sa confiance plus loin, et ne crut pas même nécessaire d'exposer à cet homme-Dieu sa peine, de lui adresser sa prière, ni qu'il prononçât en sa faveur une seule parole: car, dit-elle, le voyant au milieu d'une foule de peuple qui l'environnoit de toutes parts, si je puis seulement pénétrer jusqu'à lui, et si j'ai le bonheur de toucher le bord de sa robe, c'est assez ; j'éprouverai bientôt les effets de cette divine vertu, dont il donne tous les jours de si éclatans témoignages: Si tetigero tantùm vestimentum ejus, salva ero (1). Elle ne se trompa pas, chrétiens: ses espérances furent remplies, le Fils de Dieu répondit à son attente; et vous savez combien, en lui rendant la santé il loua hautement et releva le mérite de sa foi:

du corps,

(1) Matth. 9.

Confide

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tout

SUR LE DÉSIR ET LE DÉGOUr, etc. Confide, filia, fides tua te salvam fecit (1). Or, si les seuls vêtemens de Jésus-Christ eurent une telle efficace, que ne peut point pour la sanctification de nos ames, cet adorable sacrement, où nous recevons Jésus-Christ même présent en personne ; où sa chair sacrée, son sang précieux, nous servent de nourriture et de breuvage; où par l'union la plus réelle et la plus intime, il demeure en nous, et nous communique en quelque manière son être et toute sa divinité? N'est-il donc pas bien surprenant, mes frères, qu'au lieu de le chercher avec plus d'empressement encore et plus d'ardeur que ne le chercha cette malade de notre évangile, nous nous tenions si long-temps éloignés de lui; qu'étant sujets à tant de foiblesses, et ne pouvant ignorer nos infirmités spirituelles et nos besoins, nous ayons si peu recours au remède le plus prompt et le plus puissant; que la participation du corps de notre Dieu qui nous est permise et où nous sommes invités, que l'usage de la communion nous devienne si rare, et que nous imaginions autant de prétextes pour nous en retirer, que nous devrions marquer de zèle pour en approcher? C'est l'abus que je voudrois corriger dans le christianisme, et que j'entreprends aujourd'hui de combattre, après que nous aurons demandé les lumières du Saint-Esprit, et que nous aurons salué Marie, en lui disant: Ave, Maria.

:

Entre les différentes dispositions où nous sommes à l'égard du sacrement de Jésus-Christ et de l'usage que nous en devons faire, il y en a deux auxquelles je m'attache dans ce discours, et dont j'ai dessein de vous entretenir l'une est le désir de la communion, et l'autre le dégoût de la communion. Désir de la communion, directement contraire à ce mortel dégoût, où tombent tant d'ames mondaines et qui leur fait négliger l'aliment (1) Matth. 9.

TOME VII.

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le plus salutaire, et ce pain de vie descendu du ciel pour

être sur la terre notre soutien dans les voies de Dieu. Dégoût de la communion, non moins formellement opposé à ce saint désir dont les ames chrétiennes et pieuses sont animées, et qui en fut toujours le vrai caractère. Prenez garde, mes chers auditeurs : ce n'est point précisément de la fréquente communion que je viens vous parler. Je vous en ai déjà fait voir les avantages, et bien d'autres avant moi vous les ont représentés. Mais ce que je viens examiner avec vous, ce sont ces deux principes à quoi nous pouvons communément attribuer, ou la piété des uns, que nous voyons communier souvent, ou la négligence des autres, qui communient si rarement. Parce que ceux-là sont touchés d'un certain goût pour la communion, parce qu'ils s'y sentent portés d'un désir secret qui les y attire, ils ne manquent nulle occasion de se présenter à la table du Seigneur, et se feroient une des plus sensibles peines d'en être privés. Et comme ceux-ci, ou par la dissipation du monde qui leur dessèche le cœur, ou par une passion particulière qui les possède, ont perdu tout sentiment de piété, et que cette viande céleste dont ils doivent se nourrir, leur est devenue insipide, ils passent les années entières sans y prendre part, et voudroient même autoriser leur conduite par des excuses aussi frivoles qu'elles sont appa-' rentes et spécieuses. Or, ces deux sortes de chrétiens ont besoin d'instruction : les premiers, sur le désir de la communion qu'ils font paroître, et où l'on ne peut trop les confirmer; ce sera le sujet de la première partie; les seconds, sur le dégoût de la communion où il vivent, et qui leur fait abandonner cette source de grâces; ce sera le sujet de la seconde partie. Matière qu'on ne vous a peut-être jamais bien développée, et qui n'est guère commune dans la chaire évangélique. Donnez-y, je vous prie, toute votre attention.

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