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grâces: pourquoi? parce qu'on se tient plus éloigné de Jésus-Christ, qui est la source de toutes les grâces, et qui ne les distribue nulle part ailleurs avec tant d'abondance que dans son sacrement. Il y a des grâces attachées aux autres sacremens, puisque c'est Jésus-Christ qui les a institués: mais Jésus-Christ n'a pas seulement institué l'adorable sacrement que nous recevons par la communion; il s'y est encore renfermé lui-même, et c'est pour cela que nous le regardons d'une façon plus particulière comme son sacrement. Or quels effets de grâce doit opérer Jésus-Christ même présent en personne, et qu'est-ce que de se priver d'un si riche fonds? Moins on communie, moins on a de forces: pourquoi ? parce que le soutien de l'ame, c'est la communion, puisque le sacrement auquel nous participons dans la communion, est le pain de l'ame et son aliment. Moins on communie, moins on a de vigilance, d'attention sur soi-même, de zèle pour sa perfection et son avancement: pourquoi? parce qu'on n'a plus le frein le plus puissant pour nous arrêter, l'aiguillon le plus piquant pour nous réveiller, le motif le plus pressant pour nous exciter, qui est la vue d'une communion prochaine ; parce qu'on n'est plus si fortement engagé à réprimer ses passions, à éclairer ses démarches, à peser ses paroles, à régler toutes ses actions, pour le maintenir dans une préparation continuelle à la communion ; parce qu'on n'est plus touché de ces mouvemens secrets, de ces reproches intérieurs, de ces lumières divines, de ces communications de Dieu qui sont les fruits de la

communion.

Le cœur donc se refroidit d'un jour à un autre, Dieu se retire, le monde prend sa place; et comme dans une terre inculte, les ronces et les épines, les mauvaises herbes, c'est-à-dire, toutes les inclinations vicieuses croissent et se fortifient; on les suit, on s'y laisse con

duire en aveugle, et souvent où n'emportent-elles point une ame? Ah! chrétiens auditeurs, on en a vu des exemples, et l'on en voit encore qui vous feroient trembler, si j'osois ici les produire. On a vu dans les plus saintes sociétés des chutes presque semblables à celle de cet ange, qui du plus haut des cieux fut précipité au fond de l'enfer. On a vu des sociétés elles-mêmes tout entières se démentir et devenir le scandale de la religion : par où ? par ce dégoût et cet éloignement de la communion. Si l'usage de la communion s'y fût conservé tel qu'il y devoit être, c'eût été une ressource contre les abus qui s'y glissoient. Mais entre les abus qui s'y sont introduits, un des plus dangereux a été de négliger la communion, et celui-là seul a fomenté tous les autres, et causé enfin une décadence totale. Car le Prophète l'avoit ainsi prédit, lorsqu'il disoit à Dieu : Tous ceux qui s'éloignent de vous, Seigneur, périront: Ecce qui elongant se à te, peribunt (1).

Mais à cela quel remède? vous le voulez savoir, mes frères, et je conclus par là ce discours. Le remède, c'est de s'appliquer d'abord à bien comprendre, comme je viens de vous le représenter, le principe ordinaire du dégoût de la communion, et ses suites; de les reconnoître dans soi, et de raisonner de la sorte avec soimême : Je vois des personnes approcher bien plus souvent que moi de la sainte table, et y aller sans peine, y aller même avec désir, et avec un désir très-ardent. Si de bonne foi je veux leur rendre justice, je suis obligé d'avouer que ce sont aussi des personnes plus réglées et plus chrétiennes que moi. Autrefois moi-même, surtout à certains temps où je pensois plus à Dieu et à mon salut, je fréquentois bien davantage le sacrement de nos autels; et il faut aussi convenir que je vivois alors beaucoup mieux que je ne vis à présent, que j'a

(1) Ps. 72.

vois l'esprit plus recueilli et la conscience plus délicate, que mon cœur étoit plus susceptible de certains sentimens de dévotion. Maintenant que je ne tiens presque plus aucun compte de la communion, et que je me dispense si aisément de ce saint exercice, il semble que je sois insensible à tout ce qui regarde Dieu, et comme endurci. Mais où se terminera cette langueur habituelle? quelle en sera la fin, et quel en est au moins le danger? Ces réflexions, mes chers auditeurs, et d'autres que vous pourrez faire, sont capables de vous imprimer une juste crainte; et cette crainte, en vous faisant sentir l'importance de la communion, sera peut-être assez efficace pour vous engager à mieux user désormais d'un sacrement si salutaire et si nécessaire.

Le remède, c'est de ne point suivre le dégoût où vous êtes, et d'agir même contre ce dégoût pour le surmonter. Voici ce que je veux dire. Un malade qui se sent du dégoût pour les viandes, et qui voit par là son corps défaillir, fait effort et prend sur soi autant qu'il lui est possible, afin de s'accoutumer tout de nouveau à la nourriture dont il connoît qu'il ne peut se passer. Et en effet, à force de se faire violence et de se vaincre, il se remet peu à peu dans son premier appétit, et répare ses forces affoiblies. Voilà comment vous devez vousmêmes vous comporter. Vous n'avez nul attrait à la communion; vous y avez même une répugnance actuelle. Il n'importe, communiez; car avec toute votre répugnance, vous pouvez après tout vous mettre dans la disposition essentiellement requise pour participer au divin sacrement. Il vous en coûtera, et vous aurez à combattre contre les révoltes de votre cœur ; mais ce ne ; sera pas en vain. Dieu, témoin du désir que vous lui marquerez de le retrouver, des démarches que vous ferez pour cela, et des soins que vous vous donnerez, se laissera fléchir en votre faveur ; il fera descendre sur

vous la rosée du ciel et l'onction de sa grâce. Il vous comblera de ces bénédictions de douceur dont il prévient ses élus, selon la parole du Prophète : Prævenisti eum in benedictionibus dulcedinis (1); et vous éprouverez ce que mille autres ont éprouvé, et ce qu'il ne tient qu'à vous d'éprouver comme eux, c'est-à-dire qu'étant venus à la table de Jésus-Christ par le seul mouvement d'une foi pure et d'une religion sincère, mais du reste sans nulle affection sensible et sans goût, vous en sortirez remplis de consolation et plus touchés de Dieu que jamais. Car Dieu ne manque guère à se découvrir de la sorte, dès qu'on le cherche en esprit et en vérité.

Le remède, c'est de vous confier à un ministre de Dieu, à un homme de Dieu, dont la conduite soit exempte de tout reproche et à couvert de tout soupçon; de le consulter et de l'écouter, afin que ses conseils solides et sages, vous servent de préservatif contre les égaremens et les illusions que vous auriez à craindre si vous ne preniez pour guide que vous-mêmes et que vos vues particulières. Instruit par vous-mêmes de vos dispositions, il vous réglera prudemment et utilement l'ordre, le nombre, le temps de vos communions comme un père partage le pain à ses enfans, selon la mesure qu'il sait leur convenir. Et la nouvelle habitude que vous vous ferez, suivant ses avis, de converscr avec Dieu, d'approcher de Dieu, de recevoir en vous votre Dieu, vous rendra le goût que vous aviez perdu, et rallumera tout le feu de votre première ferveur.

Enfin le remède, c'est d'avoir recours à Dieu même, de le solliciter par de fréquentes et d'humbles prières, de lui demander qu'il fléchisse votre cœur, qu'il l'attire à lui, et de lui dire avec l'épouse des Cantiques : Trake me post te (2). Ah! Seigneur, personne ne peut (1) Ps. 20.- (2) Cant. 1.

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aller à vous si vous ne l'y attirez vous-même. Vous voyez la dureté de mon cœur, et vous pouvez l'amollir. Vous pouvez, dans un moment, faire fondre toute la glace qui le rend si froid et si indifférent pour vous: il ne faut qu'un rayon de votre grâce. Je sais, mon Dieu, combien je mérite peu d'avoir avec vous ce commerce intime dont vous honorez à votre autel certaines ames choisies. Ce n'est point encore là que j'aspire; mais du moins favorisez-moi d'un regard. Faites luire à mon esprit quelques étincelles de ces lumières vives et ardentes, qui les pénétrent et qui les ravissent hors d'ellesmêmes. Faites-moi sentir quelques-unes de ces touches secrètes et de ces divines impressions qui les jettent en de si doux transports aux approches de votre aimable sacrement. Serai-je toujours en votre présence comme une terre sèche et aride? Serai-je toujours lent et paresseux, lorsqu'il s'agit de paroître à votre table? Trahe me post te. Si je vous demande que vous changiez mon cœur, c'est afin qu'il s'attache pour jamais à vous, afin qu'il ne se tourne plus que vers vous, afin qu'il ne goûte plus de plaisir qu'en vous. Notre bonheur dès cette vie est de vous posséder sous de fragiles espèces, et notre suprême félicité en l'autre sera de vous posséder dans la splendeur de votre gloire, où nous conduise, etc.

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