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Nostre-Dame, où il alla; et s'y trouva tant de monde qu'on s'y entretuoit. M. de Bourges fist l'absoulte. Vis à vis du Roy y avoit un ligueur qui mangeoit ses doigts jusques aux poulces; on le monstra à Sa Majesté, qui n'en fist que rire, et ne voulust qu'on le fist retirer. Une pauvre femme, comme il sortoit de l'eglise, lui cria tout hault : « Sire, Dieu vous doint bonne << vie et longue! » Le Roy lui fist signe de la teste; lors ceste femme redoublant de grande affection : « Bon roy, dist-elle, Dieu vous gouverne et assiste tousjours par son Saint Esprit, à ce que vos ennemis « soient dissipés et confondus! Amen, respondit le « Roy tout haut ; Dieu me face misericorde, et à vous « aussi ! »

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Ce jour, furent reiterées par la ville les defenses de jurer et blasphemer, et de se proumener aux eglises; avec injonction, sur grandes peines, de porter honneur aux processions et au saint sacrement de l'autel, à peine de punition exemplaire et extraordinaire.

Le soir de ce jour, messieurs de la ville furent trouver Sa Majesté, sçavoir s'il ne lui plaisoit pas qu'on chantast un Te Deum, et qu'on fist feux de joye pour la reduction des villes de Troyes et Auxerre en son obeissance, qui leur dit du commencement qu'oui ; puis se ravisant, leur dit qu'il valoit mieux attendre à samedi, et qu'il en viendroit d'autres qu'on feroit avec ceux-là; puis comme ils prenoient congé de Sa Majesté, leur dit ces mots : « Mes amis, faites moy con<< gnoistre que vous m'aimez, et je vous aimerai bien. >> On publia ce jour, par la ville, que le Roy toucheroit les escrouelles le jour de Pasques.

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Ce jour, mes dames de Nemoux et Montpensier

sortirent de Paris, pour aller trouver le duc de Maienne à Rheims.

Le jeudi absolut, 7 de ce mois, le Roy fist au Louvre la cerimonie accoustumée du lavement des pieds, où M. de Bourges prescha; alla dans l'hostel Dieu visiter tous les pauvres, et leur donna à chacun l'ausmonne de sa propre main, sans en oublier un seul; et aprés les exhorta à l'amour de Dieu et de leurs prochains, et à patience. Chose belle à un roy.

Le lendemain, qui estoit le vendredy saint, il alla aux prisons visiter les prisonniers, se fist conduire avec un flambeau dans les cachots, d'où il tira un pauvre criminel appelant de la mort, donnant liberté à tous les autres qui y tenoient pour de l'argent; fist sor. tir de la Conciergerie un grand nombre de pitaus prisonniers de la Ligue pour la taille, et les mist dehors lui mesmes; lesquels en sortant faisoient retentir avec un merveilleux organe: vive le Roy! Donna aux FillesDieu quatre-vingts escus, aux Repenties cinquante escus, et autant à celles de l'Ave Maria : qui estoient toutes œuvres pieuses, lesquelles ne coustoient gueres au Roy à faire, et ce pendant ne lui servoient pas peu à l'endroit du peuple.

Le Roy dit ce jour, à ceux qui lui parloient du retour de son parlement de Tours : « Je veux mettre fin << à la partie des Parisiens et Tourangeaux, et qu'ils << s'en voisent quitte à quitte, et bons amis. >>

Le mecredi 13 avril, Madame, seur du Roy, arriva à Paris, accompagnée de huict coches et carrosses. Le peuple de Paris, qui regardoit passer son train, voyant des gentilshommes dans un des coches, se disoient l'un à l'autre : « Ce sont ses ministres. >>

Le jeudi 14, arriva le parlement de Tours à Paris. Ils estoient environ deux cens de trouppes, et entrerent confusement en assez mauvais equippage; on les disoit si chargez d'escus, qu'ils n'en pouvoient plus; mais les pauvres montures qu'ils avoient estoient assez empeschées à les porter, sans porter encore leurs escus. Le peuple estoit espandu par les ruës, comme si c'eust esté une entrée du Roy; les dames et damoiselles aux fenestres, les fenestres tapissées, les bancs et ouvroirs plains de tables. Tout le peuple les saluoit, et avec resjouissance prioit Dieu qu'ils n'en peussent jamais sortir, et qu'ils fissent bonne justice des ligueus.

Aussitost qu'ils furent arrivés ils allerent saluer le Roy, lequel leur fist bon accueil et bon visage; mais au surplus il leur dit que sa volonté estoit qu'on ne se souvinst plus de tout le passé, et que tout fust oublié d'une part et d'autre ; qu'il avoit bien oublié et pardonné ses injures qu'ils ne pouvoient moins que d'oublier et pardonner les leurs.

Le samedi 16, M. le cardinal de Bourbon arriva à Paris dans une litiere fermée.

Le dimanche 17, y arriva M. le comte de Soissons. Le mardi 19, maistre Loys Servin, comme avocat du Roy, fist la harangue à la cour, qui fust sur l'amnistie.

Le mecredi 20, les deputez d'Orleans presenterent requeste au conseil, où estoit M. de La Chastre leur gouverneur, à ce que, suivant la declaration du Roy qu'il n'y auroit point de presches à cinq lieuës d'Orleans, que Gergeo, qui n'en estoit qu'à quatre lieues, y fust compris. A quoi M. le chancelier fist response qu'on y avoit tousjours presché; que pour une lieue

c'estoit peu de chose, et qu'on n'en parlast plus. Le vendredi 22, M. de Bourges fust à la Sorbonne, pour recevoir d'eux le serment de fidelité au Roy, lequel ils presterent, hors mis quelques-uns, qui ne le voulurent faire que sous le bon plaisir du Pape. Ce qui se passa à petit bruict.

Le samedi 23, mes dames de Nemoux et de Guise arriverent à Paris, et allerent baiser les mains à Madame, seur du Roy.

pour

Le mardi 26, furent constitués prisonniers à Paris, la mort du feu president Brisson, trois sergens, avec le vicaire de Saint-Cosme et le bourreau de la ville.

Le mécredi 27, l'enterrement solennel du feu president Brisson, qui avoit esté arresté le jour precedent à la cour, fust remis par elle quand le parlement de Chaalons seroit arrivé; et depuis rompu du tout par l'avis de ladite cour, pour plusieurs grandes et importantes considerations.

Ce jour, les Estats de Flandres envoyerent au Roy le pourtraict d'un monstre marin, nouvellement pris et tué à coups de harquebuse à l'embouchure de L'Escluse en Flandres; il estoit long de quatre-vingt et dix pieds, de la hauteur de deux piques; avoit cent dents longues comme le bras. Avoit esté recongneu que ce n'estoit point baleine, ains un dragon marin; et disoit on que Billi, en ses predictions de l'an passé, avoit predit que quand on verroit en la Gaule belgique le monstre marin, que la paix universelle se feroit.

Le jeudi 28, les nouvelles vinrent à Paris de la mort du capitaine Saint Pol, tué à Rheims par le duc de Guise, le jour Saint Marc, 25 de ce mois. On disoit que

la querelle estoit venue pour les garnisons que M. de Guise y avoit voulu changer, et que l'autre ne l'avoit voulu endurer; ains y contredisant fort et ferme, auroit dit fierement audit duc de Guise que quand il les auroit fait sortir, qu'à deux jours de là il y feroit entrer deux mille Espagnols: sur laquelle parole ledit duc de Guise l'avoit tué. Dés qu'il fust mort, il fut despouillé tout nud, et lui osta-t'on ses anneaux, demeurant ainsi dans les fanges jusques à midi.

Le duc de Maienne dit à sa femme, qui estoit une bigotte, et avoit fait accoustrer le desjuner, que son mari estoit mort, et que son nepveu l'avoit chastié de sa presomption et arrogance; au reste, qu'elle regardast de sortir de la ville dans quatre heures, et emportast tout ce qu'elle pourroit.

Les grands chevaux du capitaine son mari, avec ses armes, furent pillés; mais on ne toucha point à son cabinet, où estoient ses meilleures besongnes et son argent, que sa femme emporta quand et elle à Mezieres, où elle arriva premier que les nouvelles.

M. de Nevers, qui lors estoit à Chaalons, en aiant entendu la nouvelle, qui lui agreoit fort, comme estant bien avant troublé par lui en ses biens et possessions, dit qu'il n'avoit occasion de le regretter : si non qu'il estoit marri que ce goujat n'estoit mort par la main d'un bourreau, et non d'un prince. Envoya, dés qu'il en sceust les nouvelles, esveiller M. le president du Blancmesnil, pour les lui dire; puis s'en retourna à Reteil, où en moins de trois jours il mit l'escharpe blanche an col à six vingts gentilshommes.

Sur la mort de ce capitaine, laquais de son premier mestier, et ce pendant mareschal de la Ligue, qui le

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