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quement de son amitié depuis si long-temps, j'aurai reçu un traitement qui jamais ne me sera arrivé sous les autres, qui auront été élevés à cette charge.

Quand il plaira à celui qui la remplit si dignement d'user de quelque distinction à mon égard, il ne fera pour moi que ce qu'il a déjà fait pour d'autres évêques ; et j'ai peine à croire que cette grâce soit tirée à conséquence.

Ce premier mémoire n'ayant produit aucun effet, M. Bossuet en composa un autre, qu'il envoya à M. le cardinal de Noailles pour le présenter au Roi, comme on le verra par la lettre suivante.

LETTRE

A M. LE CARDINAL DE NOAILLES.

Il lui fait sentir l'injustice de la conduite que tient à son égard M. le chancelier, et les funestes suites que peuvent avoir les obstacles qu'il met à la publication de son instruction contre Simon.

La réponse, monseigneur, que j'ai reçue me fait voir qu'il n'y a rien à espérer de M. l'abbé Bignon, qui, à quelque prix que ce soit, veut faire des difficultés à ceux qui sont en état de découvrir les erreurs cachées de M. Simon, plus dangereuses encore que celle qu'il débite à découvert. Ainsi il est temps que votre éminence fasse les derniers efforts pour la défense de la religion et de l'épiscopat.

J'envoie

J'envoie à votre éminence, par cet exprès, le mémoire que j'ai dressé pour sa majesté : ce sera à votre éminence à le faire valoir; et je l'en supplie par toute l'amitié dont elle m'honore depuis si longtemps, et par tout le zèle qu'elle a pour la religion.

Il me sera bien douloureux d'être le premier qu'on assujettise à un traitement si rigoureux : mais le plus grand mal est que ce ne sera qu'un passage pour mettre les autres sous le joug. Il est vrai qu'il y a un réglement de l'an passé, fondé sur lettres-patentes, pour obliger ceux qui ont des priviléges généraux à remettre leurs manuscrits à M. le chancelier, pour être examinés: mais il est vrai aussi qu'il ne s'est point pratiqué, du moins à mon égard et à celui des évêques. Celui qu'on a ajouté, de mettre l'attestation du docteur à la tête de l'impression, est tout nouveau, et fait à cette occasion: ainsi il est tout visible qu'il est fait en faveur de M. Simon et en haine de notre censure.

Quand on a dit à M. le chancelier, qu'il étoit étrange d'assujettir les évêques à ne pouvoir enseigner que dépendamment des prêtres, et à subir un examen sur la foi; il a répondu qu'il falloit être attentif à ce qu'ils pourroient écrire contre l'Etat. Mais les évêques sont gens connus, et, pour ainsi dire, bien domiciliés; et c'est une étrange oppression, sous prétexte qu'il peut arriver qu'il y en ait quelques-uns qui manquent à leur devoir pour le temporel (ce qui néanmoins est si rare et n'arrive point), d'assujettir tous les autres, et de leur lier les mains en ce qui regarde la foi, qui est l'essentiel de leur ministère et le fondement de l'Eglise. Le BOSSUET. VII.

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roi ne le souffrira pas, et notre ressource est toute dans sa piété.

Surtout, monseigneur, il faut tâcher de faire entrer dans l'esprit du roi, par combien d'artifices l'esprit socinien sait s'introduire, par combien de détours et par combien de dangereuses insinuations; en sorte que nous sommes tous obligés à lui dire qu'il n'a jamais eu et ne peut avoir pour la religion d'affaires plus périlleuses. Peu de personnes connoissent cette dangereuse hérésie, parce qu'elle met toute sa finesse à se cacher, et qu'elle a pour elle tous les libertins. J'ai cru être obligé de m'appliquer à découvrir ses finesses, appréhendant avec raison d'avoir quelque jour à les combattre. Le temps en est venu, et voilà qu'on m'arrête dès le premier pas, faute d'être instruit sur ce sujet, et parce qu'on n'a pas voulu nous en croire.

:

J'ai averti M. le chancelier avec toute la sincérité que je devois je l'ai trouvé, je l'oserai dire, si prévenu sur les droits de sa charge, qu'il n'écoutoit rien autre chose, et sembloit prêt à abandonner l'Ecriture à ceux qui s'affranchiroient de l'autorité des évêques, à qui l'interprétation en est confiée, comme étant le fondement du salut. Faute de s'assujettir à cette règle, l'Evangile deviendra ce qu'on voudra, et bientôt on ne le connoîtra plus.

J'implore le secours de madame de Maintenon, à qui je n'ose en écrire. Votre éminence fera ce qu'il faut; Dieu nous la conserve. On nous croira à la fin, et le temps découvrira la vérité: mais il est à craindre que ce ne soit trop tard, et lorsque le mal aura fait de trop grands progrès : j'ai le cœur

percé de cette crainte. Dieu vous a mis où vous êtes pour y obvier. Respect, obéissance et soumission.

† J. BENIGNE, Ev. de Meaux.

A Germigny, ce 25 octobre 1702.

J'ai cru qu'il seroit utile de joindre au mémoire une copie de mon privilége. J'ai voulu tout dire dans le mémoire; afin que votre éminence choisisse ce qu'il y aura de plus utile.

PRIVILEGE DU ROI.

Louis, par la grâce de Dieu, etc. : le sieur JacquesBénigne Bossuet, etc., nous a fait remontrer qu'outre plusieurs ouvrages qu'il a ci-devant donnés au public, et dont les priviléges sont expirés ou prêts à expirer, il travaille encore à d'autres ouvrages, tant pour l'instruction de son diocèse que pour le bien général de l'Eglise, lesquels il désireroit faire. imprimer, s'il nous plaisoit lui en accorder la permission et nos lettres sur ce nécessaires et voulant donner moyen audit sieur évêque de continuer à communiquer au public des lumières qui ont toujours été si nécessaires au salut des ames, et si avantageuses au bien de notre sainte religion, nous lui avons permis, etc., pour l'espace de dix années, etc.

Donné à Versailles, le vingt-sixième jour de février 1701.

ER

I. MÉMOIRE

Sur les difficultés qu'éprouvoit Bossuet, de la part du chancelier,

Présenté à SA MAJESTÉ, le 2 novembre 1702.

L'ÉVÊQUE de Meaux se croit obligé de représenter très-humblement à sa majesté le nouveau traitement qu'on lui fait, au sujet d'un livre qu'il se croit obligé d'imprimer contre la version et les notes du nouveau Testament de Trévoux.

Cette version et ces notes sont pernicieuses, et tendent à l'entière subversion de la religion; et la censure de M. le cardinal de Noailles ne pouvoit être ni plus juste ni plus nécessaire.

L'ouvrage de l'évêque de Meaux donne aussi des instructions très-nécessaires sur cette nouvelle version, et explique les erreurs de ce livre, d'une manière encore plus particulière que ne peut faire

une censure.

Cependant on lui fait des incidens, sur lesquels il ne croit pas devoir passer outre, sans les avoir exposés à sa majesté, en toute humilité et respect.

Cet évêque écrit depuis trente à quarante ans pour la défense de l'Eglise contre toutes sortes d'erreurs; et cinq chanceliers de France consécutifs, depuis M. Séguier, y compris celui qui remplit si bien aujourd'hui cette charge, lui ont toujours fait

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