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du moins à l'impossibilité de s'expliquer la cause et la nature de cet état final. Sommes-nous même bien certains que les animaux ne songent pas à un au delà? L'inconnu de la mort ne peut prendre à leurs yeux que deux issues logiques : l'idée de la suppression de la vie ou celle d'une suspension des fonctions vitales plus durable que dans le sommeil. M. Van Ende est plutôt tenté de leur prêter la seconde conclusion, comme la moins abstraite et la plus conforme aux antécédents de leur expérience personnelle; il cite, à l'appui, l'obstination de certains animaux à rester ou à revenir près du compagnon tué, les efforts de certaines espèces pour enlever leurs morts, les soins que prend parfois l'animal pour assurer la préservation posthume de son corps, soit en dérobant à tous les regards le lieu de son agonie, comme le chat domestique, soit même en faisant certains préparatifs pour l'existence future, comme tel éléphant qui, pris au piège et sentant sa fin approcher, se couvrait de poussière qu'il détrempait d'eau au moyen de sa trompe.

Cependant l'œuvre de dissolution qui ne permet pas de garder à proximité le corps d'un compagnon défunt et qui finit par le faire disparaître a dû battre en brèche chez l'animal, aussi bien que chez l'homme primitif, l'idée de l'immanence des fonctions vitales. L'animal, aidé par les apparitions de ses rêves et aussi par le raisonnement qui lui faisait confondre la vie avec le souffle, les pulsations, le regard, l'ombre ou le reflet du corps, s'est-il alors figuré ces fonctions comme dégagées de leur enveloppe et vivant d'une existence indépendante? « Quelques indices, dit M. Van Ende, pourraient nous le faire croire. » Il veut bien, à la vérité, ajouter que, faute d'avoir le secours du langage, nous ne pourrons jamais le savoir; ce en quoi nous sommes absolument de son avis. On conçoit que nous ne puissions examiner un à un les arguments de l'auteur, encore moins reprendre tous les faits invoqués à l'appui de sa thèse. La principale critique que nous lui adresserons, c'est qu'il abuse de l'impuissance où nous sommes de réfuter ses explications. Un célèbre physiologiste disait que, devant les fibres du cerveau, il était comme les cochers de fiacre qui connaissent les rues et les maisons, mais sans savoir par eux-mêmes ce qui se passe à l'intérieur. Telle est un peu notre situation vis-à-vis des animaux dont les mobiles ne doivent pas toujours être jugés d'après les nôtres. Sans doute il est difficile de s'en tenir aux théories cartésiennes qui faisaient de l'animal un simple automate. Mais il ne faut pas non plus verser, par réaction, dans l'excès contraire, et les exigences mêmes de l'évolution doivent nous mettre en garde contre les systèmes qui tendent à effacer la distance des organismes en mettant, au point de vue intellectuel et moral, non seulement le singe, mais encore l'éléphant, le chien, le castor, la fourmi, l'abeille, presque sur un pied d'égalité avec l'homme. Quand le sphex a jeté son dévolu sur un insecte pour fournir la nourriture à ses larves, il lui fait, avec une précision de chirurgien, une ou trois ou de six à neuf piqûres à des endroits déterminés, selon le nombre de ganglions qu'il s'agit de paralyser, afin d'immobiliser l'insecte sans amener sa mort. Notez que le

sphex meurt avant l'éclosion de sa larve; il n'a donc pu découvrir par expérience la nécessité de mettre à la portée de sa progéniture un vers à la fois vivant et immobile. Nous n'ignorons pas la difficulté d'expliquer le fait par la simple action de la concurrence vitale et de l'hérédité. Nous ne sommes même pas complètement satisfait par l'hypothèse de M. Edmond Perrier supposant que l'instinct du sphex a pu se perfectionner par l'expérience individuelle ou plutôt par les tâtonnements heureux de certains individus, à une époque géologique où l'insecte, ayant à traverser des hivers moins rigoureux, pouvait assister au développement de sa larve et engendrer successivement un plus grand nombre de descendants. Peut-être l'avenir nous réserve-t-il des explications plus plausibles encore. Mais ce que dès maintenant nous nous refusons à admettre, c'est qu'on puisse s'appuyer sur le cas du sphex, comme le fait M. Van Ende, pour attribuer aux animaux une conscience parfaite de la localisation des fonctions vitales. A ce compte-là, ce ne serait plus un brevet de chirurgien qu'il faudrait offrir à l'intéressant hyménoptère, mais une chaire d'anatomie ou de psychologie comparée.

Nous signalerons, en terminant, un passage de l'Introduction qui a son importance, bien qu'il n'innove pas autant que le pense l'auteur, sur les vues professées, relativement à l'origine des croyances religieuses, par l'éminent anthropologiste anglais, E. B. Tylor, et les autres représentants de la théorie animiste ou plutôt naturiste.

Celle-ci attribue à l'homme d'avoir personnifié et, à l'occasion, adoré tout ce qui dans la nature lui semblait renfermer une force active et spontanée, ou, pour employer l'expression de M. Réville, tout ce qui paraissait lui révéler un esprit en rapport avec le sien. De même, à en croire M. Van Ende, l'eau, le feu, le vent, la foudre, la lune, le soleil, etc., ont été personnifiés, parce que le mouvement dont ils sont animés paraissait en faire soit le siège, soit la manifestation d'un être mystérieux. La seule différence, c'est que les « pan-animistes, »> comme les appelle l'auteur, attribueraient à l'homme d'avoir personnifié tout ce qui l'entourait, parce que la notion de l'impersonnel lui manquait complètement. M. Van Ende, au contraire, estime que l'homme primitif, à l'instar de l'enfant et de l'animal, connaît parfaitement la distinction de l'animé et de l'inanimé, c'est-à-dire des personnes et des choses, seulement il ajoute que la raison naissante se laisse sans cesse entraîner à étendre l'attribut de la vie et de la personnalité à tout ce qui se meut ou paraît se mouvoir d'un mouvement spontané. L'animisme, loin de devoir son origine à l'absence du sens de l'impersonnel, présuppose donc la distinction de l'être vivant et de la matière inerte. Si l'homme personnifie quelquefois cette dernière, c'est qu'il y voit ou croit y voir les caractères distinctifs de la vie, et c'est ainsi que, suivant l'expression de M. Tylor, il en arrive à reconnaître dans les moindres événements l'action d'un être vivant. »

Loin de se trouver en contradiction avec cette dernière thèse, la distinction

sur laquelle insiste l'auteur nous paraît plutôt confirmer les vues de ceux qui cherchent les premières manifestations du sentiment religieux dans une extension des attributs de la personnalité aux principaux phénomènes de la nature. Toutefois, en donnant à cette théorie plus de précision, il fournit aux partisans du naturisme primitif le moyen de donner satisfaction à ce qu'il y a de fondé dans les objections d'Herbert Spencer contre un système qui semblait refuser à l'intelligence du sauvage ou de l'enfant le pouvoir de discerner la matière inerte de l'être vivant. Il renforce aussi les arguments de ceux qui tiennent le fétichisme c'est-à-dire la vénération d'objets matériels franchement regardés comme tels, pour un phénomène dérivé et non pour la forme primitive des religions. Aussi nous rallierons-nous volontiers aux vues qu'il soutient dans son Introduction sur l'origine ou plutôt la genèse du sentiment religieux. Notre seule réserve consistera à placer cette genèse dans l'humanité primitive - une humanité très primitive, si l'on veut mais en plein âge de la pierre ayant néanmoins atteint un développement mental que nous refusons à l'animalité.... jusqu'à plus ample informé.

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GOBLET D'ALVIELLA.

CHRONIQUE

FRANCE

L'enseignement de l'histoire des religions à Paris. Nous avons déjà mentionné dans notre précédente chronique les sujets qui sont traités cette année dans les conférences de la section des Sciences religieuses à l'École des Hautes Études. Pour compléter le tableau de l'enseignement de l'histoire religieuse à Paris et pour montrer une fois de plus les nombreuses ressources offertes dans nos établissements d'instruction supérieure à ceux qui veulent étudier l'histoire des religions, nous indiquons ci-dessous les cours et conférences qui ont trait à cet ordre d'études, pendant le semestre d'hiver 1887-1888, dans les diverses facultés ou écoles supérieures.

A la Faculté des Lettres M. Bouché-Leclercq fait l'histoire du bas Empire de Dioclétien à Théodose.

A la Faculté de théologie protestante M. Ménégoz explique la Dogmatique de Schleiermacher; M. Sabatier interprète les épîtres de Paul aux Colossiens, aux Éphésiens et à Philémon et expose l'histoire du texte du Nouveau Testament; M. Philippe Berger fait l'histoire du prophétisme et explique des textes relatifs à l'histoire des Juges. M. Bonet-Maury étudie l'histoire des Précurseurs de la Réforme du xvIe siècle, M. Jundt l'histoire de l'Église au moyen âge, M. Viguié l'histoire de la prédication du xvi et XVIIe siècle, tandis que M. Vaucher enseigne l'histoire de la catéchétique. M. Massebieau expose la Philosophie de Plotin et commente le traité de Tertullien de idololatria, M. Stapfer fait l'histoire des versions françaises de la Bible, et M. Samuel Berger, dans un cours libre, s'occupe de l'Archéologie chrétienne.

Au Collège de France, en dehors du cours déjà mentionné de M. Albert Réville sur les Religions de l'Égypte et des peuples sémitiques, nous avons à signaler les cours de M. Homolle sur les Usages funéraires chez les Grecs; de M. Maspero sur les Textes des pyramides relatifs à l'ancienne religion de 1 Égypte ; de M. Oppert sur les Inscriptions de Nabuchodonosor et de Nabonid; de M. Renan sur les Légendes patriarcales et sur les Fragments des prophètes antérieurs à Isaïe; de M. James Darmesteter sur le Chah Nameh et l'Epopée persane; de M. Foucaux sur le chapitre VII du Lalila Vistara (Histoire du Bouddha Çakya Mouni); de M. Gaston Boissier sur les lettres de saint Augustin; de M. Gaston

Paris sur les historiens français des croisades et sur la vie de saint Alexis (texte du xe siècle).

Dans la section d'histoire et de philologie de l'École des Hautes-Études, M. l'abbé Duchesne étudie les conciles tenus en Gaule du Ive au viie siècle et l'Épigraphie chrétienne des provinces de l'empire romain. M. Carrière explique le Targoum d'Onkelos et fait l'exégèse du livre de Daniel. M. Joseph Derenbourg interprète le traité Hórdiot du Talmud de Jérusalem et le Commentaire arabe de Samuel ben Hofni sur les dix derniers chapitres de la Genèse, avec comparaison de la version arabe de Sa'dia. M. Amiaud explique des textes de l'Épopée de Nimrod, M. Maspero les planches du tome V des Denkmæler qui se rapportent aux règnes d'Aménophis III et des rois hérétiques. Enfin M. Guieysse étudie les textes funéraires et le Rituel thébain.

Ceux de nos lecteurs qui s'intéressent au sort de la nouvelle section des Hautes Études, spécialement consacrée aux travaux d'histoire religieuse, liront sans doute avec plaisir l'entrefilet suivant publié par le journal le Temps sur les résultats qu'elle a obtenus dans le dernier exercice universitaire. Ce témoignage, puisé dans un organe de publicité étranger à nos études, leur prouvera que la jeune sœur des sections plus anciennes de cette école, malgré les difficultés et les imperfections inséparables d'un début, rencontré un accueil favorable non pas seulement dans le public des amateurs, auquel elle a dû fermer ses portes, mais chez la jeunesse universitaire et les hommes d'études. Il n'est pas inutile de le constater, puisqu'en sa qualité d'institution nouvelle elle doit légitimer sa création devant ceux qui en contestaient autrefois l'opportunité. Voici ce que nous isons dans le numéro de ce journal portant la date du 22 octobre :

<< Il n'est pas sans intérêt de suivre les développements et les résultats des créations récentes, ajoutées, au cours de ces dernières années, à l'ensemble de nos établissements d'enseignement supérieur et qui ont achevé de donner à cet enseignement dans Paris un caractère vraiment universel et complet, qui peut défier la comparaison avec toute autre organisation étrangère. On se rappelle que, depuis deux ans, l'École pratique des Hautes Études à la Sorbonne a été augmentée d'une section dite des sciences religieuses, où des conférences érudites roulant sur l'histoire et la critique des religions les plus importantes au point de vue historique, y compris le christianisme, sont étudiées dans un esprit d'impartialité purement scientifique, en dehors de toute polémique et de tout intérêt confessionnel. C'est une création qui a comblé une lacune depuis longtemps ressentie dans l'ensemble de nos cours universitaires.

«La section va entrer dans la troisième année de son existence. Dans l'année précédente, elle a compté 110 inscrits, dont 40 de deuxième année. En voici la répartition par nationalités : 87 Français, 3 Russes, 2 Allemands, 2 Suisses, 2 Anglais, 2 Canadiens, 1 Polonais, 1 Roumain, 1 Ottoman, 1 Américain, 1 Japonais, 1 Chilien, 1 Espagnol, 1 Belge, 1 Portugais, 1 Haïtien, 1 Danois, 1 Norvégien. 36 auditeurs ont demandé et obtenu le titre d'élèves. On peut répartir anisi qu'il

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