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Et que du marpaut le courrier
Entende fort bien le mestier;
Mais il nous faut bien engarder
Dessus l'endosse les ripper,
Pour n'offenser point le marpaut,
Afin qu'il ne face deffaut
De foncer à l'appointement...
Et pour ne point avoir du riffle
Sur le timbre ou sur le niffle,
Il nous faut bientost embier,
Et en la taude le laisser,
En rivant fermement le bis
A la personne du taudis.
Si vous n'entendez le narquois
Et le vray jargon du matois,

Il ne faut pas aller bien loing,
Mais seullement au port au foin :
En

peu de temps vous l'apprendrez,

Et vray narquois en reviendrez.

(Le Pasquil du rencontre des cocus, à Fontaine-bleau, M. DC. XXIII., in-8°, pag. 8, 9. - Variétés historiques et littéraires, revues et annotées par M. Ed. Fournier, tom. II. A Paris, chez P. Jannet, MDCCCLV, in-12, pag. 221-228.)

Je ne connais, pour le XVIIIe siècle, que le dictionnaire dont Grandval a enrichi son Vice puni; mais ce poëme a eu un si grand nombre d'éditions (64), qu'il a dû, à coup sûr, contribuer puissamment à répandre la connaissance de l'argot dans une société plus élevée que celle des lecteurs du Jargon, dont les éditions continuaient à se succéder à Paris et à Troyes.

Je ne dois pas mettre en oubli la comédie de le Grand, les Fourberies de Cartouche (65), qui renferme bon nombre de mots d'argot, notamment dans la grande scène où Cartouche se fait rendre compte des exploits de la nuit :

Cartouche. Qu'avez-vous enlevé ?

La Ramée. Quatre épées et deux cannes à pomme d'or.
Cartouche. Où sont-elles?

La Ramée. Les voilà.

Cartouche. Je vous ai déjà dit que je ne voulais que des épées d'argent. Voilà de belles guenilles que vous m'apportez là ! Je ne sais qui me tient que je ne vous les envoie reporter. La Ramée. Les poignées sont assez fortes, et il me parait qu'elles sont assez chenues (bonnes) pour ce qu'elles nous coûtent.

Cartouche. Allons! passons; mais, une autre fois, ayez plus d'attention. Qui est-ce qui a travaillé dans la rue Saint-Denis?

Harpin, Sans-Quartier, l'Estocade et moi.

Cartouche. Qu'avez-vous pincé?

Harpin. Six pièces de toile et quatre de mousseline.

Cartouche....à d'autres. Qu'est-ce qui a trimé dans la rue des Noyers?
Belle-Humeur. La Fantaisie, Fond de cale et moi.

Cartouche (à son frère). Et vous, petit drôle, n'avez-vous rien bouliné?

Les œuvres de Vadé et de l'Écluse, qu'aujourd'hui l'on recherche peu et qu'on lit encore moins, popularisèrent encore davantage la langue des malfaiteurs, qui, en général, sortis du peuple et sans cesse en contact avec lui, ont enrichi son vocabulaire d'une foule d'expressions qui leur sont communes. Je ne sais pas jusqu'à quel point le père de la littérature poissarde et son disciple ont dépeint fidèlement la nature; mais je puis assurer que dans leurs œuvres on rencontre souvent des mots pour l'explication desquels des notes sont d'autant plus nécessaires, que tout le monde n'a pas à sa disposition un dictionnaire d'argot (66).

Au commencement du siècle suivant, on vit paraitre un nouveau vocabulaire de la langue des malfaiteurs, à la suite de la relation d'un procès fameux (67); mais il ne paraît pas que ce petit livre ait circulé bien loin, et aujourd'hui il est assez rare.

Il était réservé à notre époque de voir fleurir l'argot, et de répandre par la presse, qui, pour le coup, a dû en gémir, la connaissance de ce beau langage parmi tous ceux qui étaient dignes d'en sentir les délicatesses. Le premier livre composé dans ce but est un Dictionnaire d'argot, ou guide des gens du monde, pour les tenir en garde contre les mouchards, filoux, filles de joie, et autres fashionables et petites maîtresses de la même trempe, par un monsieur comme il faut, ex-pensionnaire de Sainte-Pélagie. Paris, chez les marchands de nouveautés, 1827, in-32, de trois quarts de feuille (50 pp., y compris la couverture). Imprimerie de Guiraudet, etc. Ce monument lexicographique fut goûté, à ce qu'il paraît; car une deuxième édition de ce livret parut la même année, chez le même imprimeur, avec une lithographie et une page de musique. Outre le Dictionnaire latin-français et français-latin, cette édition et la précédente renferment une Chanson nouvelle, musique de M. Néron de Coqmard. Cette chanson est en deux couplets, et commence ainsi :

Fanandels, en cette piolle

On vit chenument, etc.

Deux ans se passèrent sans que les gens comme il faut pussent étudier l'argot ailleurs que dans le Dictionnaire dressé par un de leurs pareils, s'il faut en croire ce monsieur;

Mais enfin Vidocq vint, et le premier en France

il initia complétement le public au langage des bagnes par ses Mémoires (68), où les personnages qu'il met en scène n'emploient pas toujours un français irréprochable, et par son livre sur les voleurs (69), deux ouvrages qui renferment un dictionnaire d'argot très-étendu.

L'apparition du premier ne précéda que de peu celle d'un Nouveau dictionnaire d'argot, par un ex-chef de brigade sous M. Vidocq; suivi de la chanson des galériens, rapportée dans ses Mémoires. Ouvrage utile aux gens du monde. 1829, in-32 de 64 pp., imprimerie de Guiraudet. Outre la chanson annoncée sur le titre, on en trouve une autre, en argot, qui se compose de six couplets et qui occupe les pages 59-64. C'est là, ou dans le Nouveau dictionnaire de police, etc., par MM. Elouin, A. Trébuchet, E. Labbat (Paris, Béchet jeune, 1835, in-8°, tom. Ier, pag. 3943), mais encore plus sûrement dans les Mémoires de Vidocq, que M. Eugène Sue puisa des connaissances qui lui valurent tant d'applaudissements dans toutes les classes de la société; elles valurent aussi au livre dans lequel il les a déployées, et presque à son apparition, ce que Molière n'a eu que plus tard, deux glossaires consacrés à l'explication des mots qu'on n'est point habitué à entendre dans le grand monde. Le premier, annoncé dans la Bibliographie de la France, année 1843, no 6044, a pour titre : Dictionnaire de l'argot moderne. Ouvrage indispensable pour l'intelligence des Mystères de Paris, de M. Eugène Sue, etc.; un volume in-12 de 2 feuilles, imprimé par Worms, à Montmartre, et en vente à Paris, chez Gazel.

Le second ouvrage, destiné à donner la clef des mots obscurs qui se rencontrent si souvent dans la bouche du Chourineur, du Maître d'école et de la Chouette, parut, l'année suivante, sous le titre de Dictionnaire complet de l'argot employé dans les Mystères de Paris. Ouvrage recueilli par M. D. Il forme un volume in-32 de deux feuilles, sorti de l'imprimerie de Desroziers, à Moulins, et indiqué comme se trouvant à Paris chez tous les libraires (70).

Ce n'est pas encore tout; il a paru, dans le Corsaire-Satan, no dụ 11 janvier 1845, un article signé A. Baissey (A B C?), dans lequel l'auteur prouve que les mots d'argot employés par M. Eugène Sue sont tirés principalement du grec et du latin.

Dans l'intervalle, M. Antony Thouret, qui depuis a joué un certain rôle politique, publiait un roman intitulé Toussaint-le-Mulâtre (71). Il s'y trouve de l'argot, surtout chap. xv, tom. II, pag. 85-105

(Alvar parmi les voleurs); et chap. xIx, pag. 197 (Une Soirée à la Force).

Ce monsieur D. de tout à l'heure, probablement aussi un monsieur comme il faut, n'avait point cru devoir se nommer, pas plus que celui qui l'avait presque immédiatement précédé dans la carrière. Un ouvrier, un ébéniste, je crois, signa bravement Aimée Lucas un petit volume in-18 de 182 pages, intitulé Des Dangers de la prostitution, considérée sous le rapport de l'ordre public, de la morale et de l'administration. La deuxième édition de ce petit livre, indiquée comme étant revue et corrigée, et portant pour adresse, A Paris, chez l'auteur, 1841, renferme, pages 31-38, un Vocabulaire indispensable pour comprendre le langage des souteneurs et des filles publiques. Il me semble qu'à moins d'être payé pour savoir ces choses-là, ou de se sentir pour elles un goût particulier, on se dispense généralement de les apprendre.

Toutefois il est assez plaisant de faire observer que les malheureuses dont Aimée Lucas a la prétention de nous dévoiler le langage, n'en ont point qui leur soit propre ; c'est là du moins ce que déclare Parent-Duchâtelet, si compétent dans la matière, et dont l'ouvrage avait paru quelques années avant celui que nous venons de citer : « On a prétendu, dit-il, que toutes les prostituées de Paris avaient un argot ou un jargon qui leur était particulier, et à l'aide duquel elles communiquaient ensemble, comme les voleurs et les filous de profession qui ont passé dans les prisons une partie de leur vie ceci m'ayant été assuré par différentes personnes, en apparence très-instruites..... j'ai dû prendre à ce sujet quelques renseignements; en voici le résultat :

« Il est faux que les filles aient un argot particulier; mais elles ont adopté certaines expressions, en petit nombre, qui leur sont propres, et dont elles se servent lorsqu'elles sont entre elles. Ainsi les inspecteurs du bureau des mœurs sont des rails, un commissaire de police un flique, une fille publique jolie est une gironde ou une chouette, une fille publique laide est un roubiou; elles appellent la maîtresse d'un homme sa largue, et l'amant d'une fille publique son paillasson.

<< Toutes ces expressions changent et se renouvellent avec les générations de prostituées. Le paillasson était, il y a trente ans, un mangeur de blanc, on le désignait en 1788 sous le nom d'homme à qualité, et quelques années auparavant c'était un greluchon. Il est probable qu'en remontant plus haut, on trouverait encore d'autres synonymes.

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Quant aux prostituées qui s'entendent avec les voleurs, et qui n'ont

recours à la prostitution que pour cacher leur véritable industrie, il n'est pas étonnant qu'elles aient adopté le langage de leurs suppôts; mais on ne peut pas dire que ce langage soit celui des prostituées (72). »

Hatons-nous donc de prendre congé de ces dames, et revenons aux voleurs de la haute et de la basse pègre, ou plutôt à l'énumération des monuments de leur langue. On peut ranger parmi eux la satire publiée par Barthélemy dans sa Nouvelle Némėsis, le 2 février 1845. Dans cette pièce, intitulée les Escarpes, on rencontre bon nombre d'expressions d'argot soumises à l'alexandrin avec une habileté réelle. Voici les vers où elles ont laissé trace :

Sur le boulevart même où le haut candélabre
Rayonne à faire honte au soleil du Midi,
On découvre souvent un homme refroidi.

Ailleurs on trouve la nomenclature des voleurs :

C'est l'escarpe sanglant, le sombre vanternier,
L'habit noir, le chanteur, et bien d'autres encore.
Chaque genre de crime est une métaphore;
Alphabet du Sabbat, langue des cabanons!
Le juge avec dégoût articule ces noms,
Et pour dernier méfait de cette abjecte classe,
Dans le vocabulaire ils volent une place.

Le crime révoltant dans la langue connue,
Du grotesque des mots, grâce à vous, s'atténue;
De tout écart possible il s'excuse en argot.
Je pardonne au forçat sous le nom de fagot;
Il sait bien que la loi punit l'homme qui vole,
Mais que rien ne défend de rincer une piole;

Le bagne n'est qu'un pré pour son regard serein,

Il frémit au poignard, il sourit au surin;

Quand il va s'embusquer dans la forêt prochaine,

Il n'assassine pas, il fait suer le chéne,

Et la tolle où finit son coupable destin

Lui cache l'appareil qu'inventa Guillotin.

Puis des reproches à la Gazette des tribunaux, au Droit, qui popularisent ces termes :

Pourvu qu'il soit exact à vos cours d'audience,
L'apprenti malfaiteur marche vite en science,

Trois mois d'abonnement en font un maître ès arts.

ს.

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