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gent pour la reddition de ceste place, monstrant parlà sa generosité et valeur. Estant sollicité de reconnoistre le Roy, et que c'estoit un bon prince, respondit qu'il n'en doutoit point, mais qu'il estoit serviteur de M. de Maienne, auquel il avoit donné sa foy. Au reste, que c'estoit un traistre que Brissac; et que pour lui maintenir, il le combattroit entre quatre piques en presence du Roy, et lui mangeroit le cœur du ventre. Que la premiere chose qu'il feroit, estant sorti, ce seroit de l'appeler au combat, et qu'il lui envoieroit un trompette: pour le moins lui feroit il perdre l'honneur, s'il ne lui faisoit perdre la vie.

Ce jour, le curé de la Magdeleine ne recommanda point le Roy en son sermon; mais comme si la ville eust encores tenu pour la Ligue, recommanda les bons princes catholiques, et ceux qui estoient affligez pour la journée de mardi. Son impudence fust seulement chastiée d'un simple silence qu'on lui imposa; et ce, de l'exprés commandement de Sa Majesté.

Le lundi 28 mars, M. le chancelier vinst à la cour, et fust le parlement restabli.

Messieurs Pithou et Loysel assisterent comme procureurs et advocats du Roy, en attendant le retour de ceux qui estoient à Tours. Fut aussi restablie la chambre des comptes. On pourra voir aux registres l'ordre qui y a esté tenu.

La declaration du Roy sur la reduction de Paris, imprimée par F. Morel, fust aussi publiée ce jour : par laquelle on peut voir que Paris a esté rendu comme un village, et que les escus de France en telles affaires operent aussi bien que les doublons d'Espagne.

Le curé de Saint-André des Ars et son vicaire, avec

quelques autres zelés, sortirent de Paris. par la porte Bussi, à laquelle commandoit M. d'Aubrai, qui dit adieu au curé, et le curé à lui et à toute la compagnie, laquelle pour la plus part estoit de ses paroissiens, ausquels il demanda pardon, et les pria de prier Dieu pour lui, et qu'il le prieroit pour eux.

Le cardinal Pelvé, bon Hespagnol et mauvais François, aagé de quatre-vingts ans, mourust ce jour à Paris. Deux jours devant qu'il mourust, lui ayant esté rapporté que la Bastille n'estoit encores rendue : « Tant <«< mieux ! respondit-il en se resjouissant. » Toutefois, pour toutes ses mauvaises prattiques et offices qu'il avoit fait au Roy et à la couronne, Sa Majesté voulut qu'on le laissast mourir en paix; et fust porté aux Celestins, et là enterré sans aucune pompe ne cerimonie, faute d'argent, ainsi qu'on disoit.

Ce jour, un ligueur appuié sur la boutique de madame Houzé au Palais, y voiant des Heures estalées, qui estoient à l'usage de Romme, lui demanda si elle vendoit encores de ces livres là. Auquel ayant respondu qu'elle en vendoit plus que jamais : « Ah! madame, «< lui dist il, vous n'en vendrez plus gueres. Bien heu<«<reux qui est bien mort! car tout est perdu. »>

Le mardi 29 mars, on fist procession generale à Paris; à laquelle le Roy assista tout du long, nonobstant la pluie et mauvais temps qu'il faisoit. Tous les mandiens s'y trouverent, hors mis les jacobins, ausquels on fist defense de s'y trouver. Il y eust aussi des feux de joie commandés par tout, qu'on fist avec une merveilleuse allegresse, et où on cria à plaine voix vive le Roy! Melodie toutefois qui ne sonnoit pas encores bien aux oreilles de plusieurs; et disoit on que madame de

Montpensier oiant ceste musique, avoit dit en riant que Brissac avoit plus fait que sa femme, qui en quinze ans n'avoit fait chanter qu'un cocu; au lieu que lui en huict jours avoit fait chanter plus de vingt mille perroquets

à Paris.

Au feu qui fust fait ce jour devant l'hostel de ville à Saint-Jean en Greve, y eust un procureur nommé Moron, fort honneste homme et homme de bien, qui par grand inconvenient fust tué d'une boitte de feu, et sept ou huict autres de bien blessez.

Le mecredi 30, le president Le Maistre fist le scrment à la cour de septiesme president. Le Roy l'appeloit son bon president, pour les bons services qu'il lui avoit faits qui fut cause que Sa Majesté le voulust re. congnoistre à son entrée, et recompenser de cest estat de president, bien deu à la vertu de ce bon personnage; aussi bien que celui de maistre des requestes à la fidelité de Langlois, qui ce mesme jour presta le serment du sien. Il avoit fait un grand service au Roy le jour de la reduction, entretenant dextrement les Hespagnols, et les amusant d'histoires romaines, attendant la venue du Roy, qui fut si longue qu'elle cuida desesperer ses serviteurs.

Ce jour on envoya un billet à Rolland, qui estoit un des principaux faciendaires de la Ligue, et lequel, tant du vivant du feu Roy que de cestuici, n'avoit fait autre chose que brouiller les affaires à Paris, et qui toutefois comme miraculeusement et sans y penser ne servist de peu à la reduction de la ville, servant comme de conseil à M. Langlois, lequel il estoit en lui de bien fascher et brouiller tout le mesnage commencé, si Dieu tenant la main à ceste œuvre ne l'eust conduite.

Moururent ce mesme jour à Paris deux femmes ligueuses; et au lieu qu'on dit communement que les femmes meurent de joie, celles ci tout au contraire moururent d'ennui, et de fascherie de voir le Roy dedans Paris. L'une estoit la femme du sire Lebrun, marchant demeurant en la rue Saint Denis; laquelle, à la nouvelle de l'arrivée du Roy à Paris, perdit la parole. L'autre estoit la chambriere d'un nommé Bleri, grand ligueur, lieutenant du capitaine Froissard; ausquelles on peult adjouster la femme de l'avocat Choppin, qui en perdist l'esprit le mesme jour : laquelle toutefois on disoit n'avoir pas perdu grande chose.

Le jeudi trente uniesme et dernier de ce mois, les advocas et procureurs de la cour presterent au Roy le serment de fidelité.

Ce jour, par arrest de la cour de parlement, fust cassé le pouvoir du duc de Maienne.

Furent aussi apportées à Paris, ce jour, les nouvelles de la reduction de la ville de Rouen : dont furent commandés par tout feux de joie.

On disoit que le Roy, estant arrivé à Paris, avoit trouvé au Louvre dans un coffre toutes les clefs des villes de son royaume.

Ce jour, sortist la ville ce seditieux cordelier Guarinus, lequel s'estant desguisé en Hespagnol pensoit sortir avec eux le jour de la reduction; mais il ne peust, et fust contraint se sauver dans une maison de la ruë Saint Denis, où M. Targer le trouva caché dans un garnier, le jour de la reduction. Le Roy avoit demandé audit Targer où il estoit, et qu'il passeroit pour certain avec les Walons, desguisé en Espagnol : ce qui estoit vrai; toutefois qu'il n'entendoit qu'on lui fist mal, mais

qu'il ne le vouloit point voir. Dés que ce bon frere eust advisé Targer, il se jetta tout tremblant à ses pieds, le priant de ne le point tuer; et que de tant qu'il avoit mesdit du Roy, il en diroit du bien, et prescheroit doresnavant tout au contraire. A quoy Targer repliqua qu'il n'estoit pas homme de sang et de meurtre comme lui, qui le l'avoit tousjours presché; mais qu'il tinst ce qu'il promettoit.

Supplément tiré de l'édition de 1719.

Le mardi 22 mars, à trois heures du matin, qui étoit l'heure prise pour recevoir le Roy dans Paris, M. de Brissac, le prevost des marchands L'Huillier, et plusieurs notables bourgeois, capitaines de quartier et autres armés, se saisissent de la porte Neuve, qui peu de jours auparavant avoit été terrassée, et que Brissac avoit fait deboucher le jour precedent, et oster les gabions et terre, sous pretexte de la faire murer.

Langlois, echevin, occupa de son costé, avec nombre de gens en armes, celle de Saint Denis.

Quatre heures étoient sonnées, que le Roy ne paroissoit, ny personne pour lui. Langlois, inquiet, sort la porte; et craignant qu'elle luy fût fermée, rentra dans la ville sans avoir rien veu ny apperceu. Enfin, impatient, il sort derechef, et voit M. de Vitry, accompagné de plusieurs seigneurs et gens d'armes, arrivans sans bruit; ausquels il livra la porte, et furent ensemble avec leurs gens et suite occuper les remparts à droite et à gauche, sur lesquels il y avoit plusieurs canons en batterie qu'ils tournerent sur la ville, pour s'en servir au besoin.

Le Roy arriva au même temps à la porte Neuve, dont le pont fut abaissé; et ses gens, sans attendre

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