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SUPPLÉMENT".

[JANVIER 1598.] Le samedi 3 de janvier, le Roy tint chapitre (2) de l'ordre du Saint Esprit dans son cabinet du Louvre; auquel il proposa dix seigneurs pour être reçûs chevaliers le lendemain, et furent vérifiées les preuves de leur noblesse.

Le dimanche 4 de janvier, le Roy, précédé de ses gardes des Suisses et officiers de sa maison, accompagné des princes, des commandeurs, chevaliers et officiers de ses ordres, est allé en pompe et magnificence à l'église des Augustins, dont le chœur étoit superbement orné; et après avoir ouï la messe, chantée par la musique, il a donné l'ordre du Saint Esprit à messieurs Anne de Levis, duc de Ventadour; Jacques Mitte, comte de Miolans; François Faudoas, dit l'Averton, comte de Belin; Bertrand de Baylens, baron de Poyanne; René Rieux, seigneur de Sourdiac; Brandelis de Champagne, marquis de Villaine; Jacques de L'Hôpital, comte de Choisi; Robert de La Vieuville, baron de Rugle; Charles de Matignon, comte de Torigny; et François Juvenel, marquis de Trainel.

Le lendemain, Sa Majesté est retournée à la même

(1) Ce supplément, depuis le commencement de l'année 1598 jusqu'à la fin de 1601, est tiré de l'édition de 1736.

(2) Le Roy tint chapitre : Quelques historiens prétendent, sans en donner aucune preuve, que le chapitre n'a été tenu que l'année sui

vante.

église, et a assisté au service et à l'absoute pour les chevaliers défunts.

[FEVRIER.] Le mardi 3 de fevrier, partirent de Paris les sieurs de Pompone de Believre (1), seigneur de Grignon, premier et le plus ancien conseiller d'Etat; Nicolas Brulart, seigneur de Sillery, aussi conseiller d'Etat, et président au parlement, pour aller à Vervins traiter la paix avec les deputez du roy d'Espagne.

y

Le jeudi 5 de fevrier, le cardinal Alexandre de Medicis, legat en France, ayant été nommé par le pape Clement VIII pour moyenner la paix entre la France et l'Espagne, est parti pour aller à Vervins, accompagné de Gonzague Calatagirone, général des cordeliers.

Le mardi 17 de, fevrier, est venu avis que le duc de Savoye avoit repris le fort d'Aiguebelle et la tour Charbonniere, et fait prisonnier le sieur de Crequi, qui avec douze cens hommes alloit donner du secours à Aiguebelle, dont il ignoroit la prise.

Le même jour on apprit que le maréchal de Brissac, ayant recommencé la guerre en Bretagne contre le duc de Mercœur, avoit attaqué et pris la ville et château de Dinan.

Le mercredi 18 de fevrier, le Roy a établi le prince de Conti gouverneur de Paris, et l'a déclaré chef de son conseil; après quoi il est parti pour se rendre en Bretagne.

[MARS.] Dans le commencement de ce mois, plu

(1) Pompone de Believre : Il étoit fils de Claude de Bellièvre, premier président au parlement de Grenoble.

sieurs gouverneurs des places de la province de Bretagne, qui avoient suivi le parti du duc de Mayenne et du duc de Mercœur, ayant appris que le Roy s'avançoit avec des troupes, ont été au-devant de Sa Majesté, et ont remis entre ses mains les places qu'ils tenoient pour la Ligue; et l'ont priée très-humblement de les recevoir et reconnoître pour ses très-humbles serviteurs et sujets, et de leur octroyer l'abolition de la prise des armes, et de toutes autres choses qui s'en étoient ensuivies. De ce nombre sont les sieurs Du Plessis de Cosne, qui lui a remis la ville et château de Craon; de Saint Offanges, celui de Rochefort; Villebois, celui de Mirebeau; de Burgeagny, celui d'Arcenis; de Fontenelles, celui de Douernanez; et d'autres ausquels Sa Majesté accordé une amnistie du passé.

On a encore appris que les contestations élevées à Vervins entre les deputez des deux couronnes, sur la préseance, avoient été terminées par le cardinal legat. Jean-Baptiste Tassis, Jean Richardot et Louis Verreiken, deputez du roy Catholique, prétendoient avoir le premier rang ce que les François n'ont pas voulu leur accorder. Le legat pour terminer ce differend, sans pourtant le juger, se mit au haut de la table, comme representant le Pape; puis il plaça le nonce françois de Gonzague auprès de lui au côté droit; ensuite il donna le choix aux François de s'asseoir, ou audessous du nonce du côté droit, ou vis-à-vis du côté gauche. Les François choisirent le côté gauche, et les Espagnols se mirent au côté droit.

Cette cérémonie a été le sujet de plusieurs discours parmi les politiques : aucuns disent que les Espagnols ont eu le pas d'honneur, parce qu'ils étoient du côté

droit, et assis plus proche du legat; d'autres au contraire disent que les François ont eu dans cette occasion la preséance, parce que le choix leur a été donné, et qu'il est naturel que dans cette circonstance ils ont choisi la place la plus honorable.

Le mercredi 18 de mars, on a appris, par les lettres de Grenoble, que le sieur de Lesdiguieres avoit pris par escalade le nouveau fort de Barreaux, situé sur un côteau près un village de ce nom, auquel le duc de Savoye a donné le nom de Saint Barthelemi, parce qu'il fut achevé le jour de la fête de ce saint. Le sieur de Lesdiguieres, soit qu'il voulût venger la prise du sieur de Crequy, soit que ce fort incommodât le Dauphiné; après s'être instruit de l'état de cette place et de sa garnison, dès la nuit du quatorziéme de mars fit remonter la riviere par quelques bateaux chargez d'eschelles et de petards. Le lendemain, qui étoit le dimanche, il se mit à la tête de trois cens chevaux, et de douze cens hommes de pied; il partit de grand matin, et se rendit au village de Lombin, où il se logea, pour ne s'approcher du fort que la nuit suivante.

Vers les dix heures de la même nuit il arriva audit fort, et ordonna de planter les échelles : ce qui fut exécuté par les sieurs de Morges, d'Hercules, d'Auriac, de Marvieu, soutenus par les sieurs de Montalquiers, de Saint Bonnet, de Montferrier de Rosans, avec leurs troupes. En même tems les capitaines Binart et Suge firent jouer les petards aux deux portes dudit fort, pendant que le sieur Fanel, avec une partie de l'infanterie, donnoit l'allarme par tous les endroits; ensorte que les habitans et la garnison furent si troublez, qu'ils ne sçavoient par où commencer pour se défendre.

Bref, les assaillans étant montez sur les murailles et sautez sur le terrain, ils se rendirent les maîtres de la place, n'ayant eu que deux ou trois hommes de tuez, et peu de blessez.

Dans cette action ils ont gagné cinq drapeaux qu'ils ont envoyés au Roy, neuf pieces d'artillerie, deux cens quintaux de poudre, une grande provision de plomb et de méche, et cinq cens charges de bled. Le sieur de Bellegarde, commandant de la place, a été fait prisonnier, et plusieurs autres.

que

Le samedy 21 de mars, le duc de Mercœur voyant

la plupart des places de Bretagne s'étoient soumises au Roy, envoya la princesse Marie de Luxembourg sa femme à Angers, où étoit le Roy, pour implorer sa clemence.

Le vendredy 26 de mars, le parlement a vérifié un edit du Roy en faveur du duc de Mercœur (1), portant entre autres l'oubli du passé; que le duc de Mercœur, en remettant entre les mains de Sa Majesté les forces et places qu'il avoit en Bretagne, auroit deux-cens trente six mille écus de dédommagement pour les frais de la guerre, dix-sept mille écus de pension, et une compagnie de cent hommes d'armes.

Le dimanche 28 de mars, le duc de Mercœur s'est rendu à Angers avec un grand équipage, pour y saluer Sa Majesté, qui l'a reçû avec beaucoup de caresses.

Le lendemain, le contrat de mariage entre Cesar Monsieur, âgé seulement de quatre ans, et de Françoise de Lorraine, âgée de six ans, a été passé dans le châ

(1) En faveur du duc de Mercœur : Le Roi n'accorda au duc de Mercœur un édit si favorable, que parce qu'il vouloit marier son fils naturel César, qu'il aimoit beaucoup, avec la fille de ce duc.

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