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Le lundi 11, M. d'O alla à la cour, où en sa presence fust arresté que la cause des jesuites se plaideroit le lendemain à huis clos; et qu'il n'i auroit personne, selon la requisition et conclusions de messieurs les gens du Roy.

Le lendemain, qui estoit le mardi 12 juillet, la cause fust plaidée à huis clos, selon qu'il avoit esté arresté ; et pour ce que quelques uns par curiosité s'estoient ingerés d'entrer, l'advocat du Roy Seguier demanda l'execution de l'arrest, et qu'ils eussent à sortir: ce qui fust fait. Lors maistre Anthoine Arnauld commença son plaidoier contre eux, qui fust violent en toutes ses parties depuis le commencement jusques à la fin car il appella lesdits jesuites voleurs, corrupteurs de la junesse, assassins des roys, ennemis conjurés de cest Estat, pestes des republiques, et perturbateurs du repos publiq. Brief, les traicta comme gens qui ne meritoient pas seulement d'estre chassés d'un Paris, d'une cour et d'un roiaume, mais d'estre entierement raclés et exterminés de dessus la face de la terre. Entra aux preuves de tout cela sur les memoires qu'on lui en avoit baillé, qui sont memoires d'advocats, qui ne sont pas tousjours bien certains. Que si à son plaidoié il eust apporté plus de moderation et moins de passion, laquelle ordinairement est subjecte au controlle et à l'envie, il eust esté trouvé meilleur de ceux mesmes qui n'aiment pas les jesuites, et qui les souhaittent tous aux Indes, à convertir les infideles.

Duret, leur advocat, dit à Arnaud qu'il se fust bien passé d'en dire tant. A quoi ledit Arnaud repliqua qu'il n'en avoit pas assés dit, et qu'il en falloit chasser les uns et pendre les autres. Sur quoi M. le premier president lui imposa silence.

Le jeudi 14, l'advocat du Roy Seguier, en une cause qui se presenta, plaida tres doctement, et se fit admirer, tant pour sa rare doctrine que pour son eloquence. On avoit opinion qu'il parleroit des jesuites, pour ce que la cause en avoit esté fraischement plaidée. Ce qui en avoit fait venir beaucoup, qui s'en retournerent comme ils estoient venus : car il n'en toucha un seul mot.

Ce jour, le cardinal de Bourbon, bien que tresmalade, escrivit à la cour pour les jesuites, se plaingnant d'Arnaud et de ses injures.

Commolet (1) d'autre costé ne bougeoit du chevet du lit de ce bon prince, s'y trouvant bien empesché pour son fait particulier car l'Arnaud l'avoit nommé en son plaidoyé, et soustenu qu'il avoit presché publiquement dedans Paris; que quant David avoit dit en l'un de ses pseaumes: Erue nos de luto, il avoit prophetisé la ruine de la France par la maison de Bourbon, et consequemment donné advis aux François de se desbourber. Et ne sçavoit ledit Commolet comment se Sauver de ce coup, sinon par la negative, recours ordinaire des coupables.

Le dimanche 24, un docteur de Navarre, preschant à Saint Estienne du Mont à Paris, dit en son sermon qu'avant la reduction on avoit tousjours presché l'Evangile à Paris; mais depuis, que non. Ajousta que ceux qui vouloient mettre les prebstres hors la ville et les en chasser, comme aussi tous les advocats de sem

(1) Commolet: Suivant Cayet, ce fut le docteur Boucher, et non le père Commolet, qui, dans le sermon qu'il fit à Notre-Dame devant l'assemblée des Etats, prit pour texte ces paroles de David Eripe me de luto.

blables causes, estoient heretiques, et ne valoient tous rien. Pour lesquelles paroles ayant esté informé contre lui, fut contraint de s'absenter.

:

On descendit ce jour à Paris la chasse Sainte Genevieve, pour ne plus pleuvoir; et fort à propos car il y avoit trente-six jours qu'il ne faisoit autre chose. Et aprés la pluie on dit que le beau temps vient.

Ce jour mesme, on eut nouvelles à Paris de la mort de M. Daliboust, premier medecin du Roy, auquel on disoit qu'une parole libre qu'il avoit dite à Sa Majesté touchant son petit Cæsar avoit cousté la vie, non de la part du Roy, qui ne cognoit point ces bestes et monstres de poisons, mais de la part de celle (comme tout le monde tenoit) qui s'y sentoit interessée; à laquelle le Roy contre sa promesse l'avoit redit, ne pensant qu'il en deust couster la vie à ce bon homme de medecin, fidele serviteur de Sa Majesté. En sa place succeda La Riviere, medecin de M. de Bouillon, qui le donna au Roy.

Le lundi 25, arriverent à Paris les nouvelles de la composition de la ville de Laon, dans laquelle le Roy devoit entrer le 2 aoust, si dans ledit temps elle n'estoit

secourue.

Le jeudi 28, M. d'O partist de Paris pour s'en aller au camp de Laon porter de l'argent au Roy, qui y mouroit de faim, pendant que ses tresoriers faisoient grande chere à Paris. Ils faisoient aussi jusner Madame, et disoient que puis qu'elle ne se vouloit convertir et aller à la messe par un mariage, que n'en pouvant venir à bout par le bas, ils tascheroient d'en avoir la raison par le hault.

Le samedi 30 juillet, à deux heures aprés midi, mou

rust à Paris, en son hostel des fauxbourgs Saint-Germain, M. le cardinal de Bourbon, en la fleur de son aage, attenué de longue maladie : bon prince et sage, s'il n'eust esté mal conseillé, comme sont souvent les princes de son qualibre. Peu de jours avant sa mort le Roy se gossant, disoit qu'il n'i avoit nul moyen de le guairir, sinon en lui promettant d'estre roy bien

tost.

Il y avoit huict jours, quand il mourust, qu'on faisoit inventaire chés lui, jusques aux ustensiles de la cuisine, dans laquelle il y avoit bien trois jours qu'il n'i avoit rien qu'un vieil cousteau qui ne valoit pas trois sols encores estoit-il attaché à une chaisne; autrement il n'i fust demeuré.

Sur sa mort, furent semées à Paris les suivantes mesdisances, que j'ay recueillies entre beaucoup d'au

tres :

Les Durets (1) et maistre Guillaume
Ont perdu leur maistre à ce coup.
C'est à eux de dire un sept pseaume :

La France n'i perd pas beaucoup.

Ce jour, on eust nouvelles à Paris que le duc de Nemoux, prisonnier à Lion, s'estoit sauvé la nuict d'entre le mardi et mecredi.

Autres nouvelles le mesme jour, venantes du cardinal de Gondi, qui portoient en somme qu'un Clement vi avoit ruiné l'Italie, et qu'il estoit bien à craindre qu'un Clement VIII ne ruinast la France.

(1) Les Durets: Les Duret père et fils étoient au nombre des confidens du jeune cardinal de Bourbon, et avoient eu part aux intrigues du tiers parti.

A Paris, ce mesme jour, fust pendu et aprés bruslé en Greve un vieil homme aagé de plus de soixante-dix ans, qui avoit violé la fille de sa seconde femme.

En ce mois de juillet, on donna congé à petit bruict à un sire de Paris demeurant rue Saint Denis, prés du Sepulchre; lequel aiant chés lui une chienne pleine, avoit dit ces mots : « Le premier chien qui viendra de <«< ma chienne que voilà, je veux qu'on le nomme Henry « de Bourbon. >>

On trouva chés un autre un pourtrait du feu Roy entouré de serpens et crapaux, qu'il avoit fait faire exprés.

Il y eust aussi un cordelier, au pays de Gastinois, qui prescha publiquement que le Roy ressembloit aux huppes, qui faisoient leur nid de merde.

[AOUST.] Le mecredi 3 aoust, ung petit orfevre de la religion, nommé Claude Du Mont, qui ordinairement travailloit sur les grands degrés du Palais à Paris, estant ce jour de garde à la porte Saint Jacques, comme le sacrement vinst à passer, fut si indiscret que, sans se retirer à l'escart ni oster son bonnet, il le regarda sans faire autrement semblant de sçavoir que c'estoit. Dont sur l'heure il faillist d'estre tué et saccagé, sans le capitaine Jusselin qui le sauva de la mort, qui lui estoit inevitable, et bien deue à sa temerité.

Le vendredi 5, je vis une lettre du Roy, par laquelle il mandoit que dés le mardi 2 de ce mois il estoit entré dans Laon; et que le mesme jour ceux d'Amiens avoient chassé le duc de Maienne, et envoyé deputés pour traicter avec Sa Majesté.

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